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Éducation, résilience et espoir : le périple d’une membre du comité au cœur des vallées isolées d’Afghanistan

Par Véronique R., membre fondatrice et membre du comité de l’Association Nai Qala

Cet été, j’ai traversé l’Afghanistan, suivant les pistes poussiéreuses de Kaboul jusqu’aux hautes vallées de Bamyan, Daikundi et Ghazni. Le voyage fut long : des heures de route de montagne, d’innombrables checkpoints, des retards imprévus. Mais ce que j’ai découvert au bout de chaque chemin valait chaque cahot, chaque nuage de poussière avalé : des communautés qui construisent, dans la discrétion, leur avenir grâce à l’éducation.

Kaboul : la vie derrière des portes closes

Kaboul accueille les visiteurs avec une énergie pleine de contradictions. Les rues sont animées, mais pour les femmes, l’espace public est restreint. Beaucoup restent à l’intérieur ; les fenêtres sont obscurcies, les parcs leur sont fermés.
Pourtant, l’hospitalité y demeure. Autour des déjeuners partagés au bureau de Nai Qala, les collègues échangent des nouvelles, souvent déprimantes, tout en conservant un humour et un optimisme qui défient les gros titres du jour.

Des routes qui relient les villages

Quitter la capitale, c’est se laisser porter par le rythme des montagnes.
Les chauffeurs franchissent des cols rocheux et des lits de rivière, s’arrĂŞtant pour un thĂ©, une tranche de pastèque ou des kebabs, des brochettes traditionnelles de mouton.
Ces trajets révèlent la distance, géographique et sociale, entre la ville et la campagne, mais aussi les liens qui les unissent.

Des leçons au-delà des murs

Dans chaque village reculé, j’ai trouvé la même détermination tranquille.
Parfois la classe n’est qu’une pièce prêtée dans une mosquée, parfois une chambre d’hôtes en briques de terre. Les enfants récitent les chiffres, chantent, apprennent à se brosser les dents. Les mères se rassemblent à l’extérieur.
Ces salles de classe sont bien plus que des lieux d’apprentissage ou de jeux : ce sont des centres de vie communautaire, oĂą s’ouvrent des discussions sur la santĂ©, la coopĂ©ration et le respect.

Les femmes au cœur du changement

Les enseignantes que j’ai rencontrées, souvent les seules femmes de leur village à exercer un emploi rémunéré, portent une responsabilité exceptionnelle. Elles enseignent les lettres et les nombres, mais incarnent aussi l’indépendance et le leadership pour la prochaine génération. Leur engagement montre que l’éducation des filles profite à toute la famille et à toute la communauté.

L’équipe de soutien de Kaboul

Derrière chaque classe rurale isolée se tient une équipe dévouée à Kaboul. Elle gère la logistique, obtient les autorisations, surveille la sécurité et fait acheminer les fournitures, souvent jusqu’à tard le soir. Grâce à son efficacité discrète, un enfant d’une vallée reculée peut dessiner dans son cahier demain, parce que quelqu’un, dans la capitale, a travaillé sans relâche aujourd’hui.

Générosité dans la simplicité

Dans de nombreuses classes que j’ai visitées, les enfants ont offert ce que leurs familles pouvaient partager : un petit sachet d’abricots secs, une poignée d’amandes. Des communautés ont donné des robes traditionnelles, et les collègues m’ont accueillie, telle une princesse, avec une attention extraordinaire. Leur générosité, offerte malgré des moyens limités, est une leçon durable de dignité et de résilience.

Réflexion personnelle

Voyager en Afghanistan n’est pas du tourisme ; c’est une invitation Ă  ĂŞtre tĂ©moin du courage. Je reviens avec la conviction que l’éducation est l’espoir en action. Tant qu’une seule classe reste ouverte, un chemin demeure pour les enfants et leurs familles.

De retour chez moi, je mesure combien ce voyage m’a marquée. Les rires autour d’innombrables tasses de thé me manquent, tout comme la fierté des enseignantes partageant les progrès de leurs élèves et la force tranquille des collègues qui travaillent chaque jour dans des conditions difficiles. Je suis également profondément inspirée par la présidente de Nai Qala, dont l’engagement sans relâche, le courage et la vision continuent de guider l’association, même dans les circonstances les plus difficiles.

Oui, la route est longue et les obstacles nombreux, mais l’esprit de persévérance, de générosité et de foi en l’éducation que j’ai rencontrés reste plus fort que n’importe quelle restriction.

Changement de valeurs

Une récente visite dans un village isolé a révélé des changements bien au-delà des attentes.

Soutenir les communautés négligées en leur apportant des compétences humaines

La prĂ©sidente de l’association s’est rĂ©cemment rendue dans un village reculĂ© du centre de l’Afghanistan oĂą Nai Qala met en Ĺ“uvre des projets pour les filles, les femmes et les mères. Ces rĂ©gions sont parmi les plus nĂ©gligĂ©es de tout le pays et se caractĂ©risent par un manque d’accès aux droits humains fondamentaux tels que l’Ă©ducation, les soins et la santĂ© et d’autres activitĂ©s de dĂ©veloppement. Historiquement et gĂ©ographiquement marginalisĂ©es, les populations sont confrontĂ©es Ă  des difficultĂ©s profondes, aggravĂ©es par des dĂ©cennies de guerre.

Notre programme, qui existe depuis quelques annĂ©es et s’adresse spĂ©cifiquement aux filles de cette rĂ©gion, a donnĂ© des rĂ©sultats positifs. Non seulement les filles ont appris Ă  lire et Ă  Ă©crire, mais elles ont Ă©galement acquis des compĂ©tences sociales essentielles telles que le respect, la solidaritĂ© et la coopĂ©ration. Dans une sociĂ©tĂ© oĂą les filles ne sont souvent pas considĂ©rĂ©es comme des partenaires Ă  part entière, ces nouvelles compĂ©tences sont rĂ©volutionnaires et ont une signification profonde.

L’impact du programme est Ă©vident dans la transformation du comportement des filles Ă  la maison. Les mères, qui n’envisageaient auparavant qu’un avenir limitĂ© pour leurs filles, sur la base de leurs propres expĂ©riences, sont dĂ©sormais tĂ©moins d’un changement positif. Les filles font preuve de plus de respect envers leurs mères et leurs pères et affichent un sens diffĂ©rent du soutien et de la responsabilitĂ©, contrairement aux rĂ´les traditionnels des genres.

Les parents sont reconnaissants du programme car ils observent des changements significatifs dans l’attitude de leurs filles. L’Ă©ducation va au-delĂ  de la simple lecture et de l’Ă©criture, elle apporte un changement de perspective et symbolise une lueur d’espoir pour la communautĂ©. Sans ce programme, de nombreuses filles auraient Ă©tĂ© contraintes Ă  des mariages prĂ©coces ou envoyĂ©es travailler en Ă©change d’argent.

Cette rĂ©ussite souligne l’importance des projets de soutien communautaire concrets. Lorsque les gens font l’expĂ©rience de changements rĂ©els, ils sont incitĂ©s Ă  s’adapter et Ă  profiter des retombĂ©es positives. Cette approche locale contraste fortement avec les Ă©checs passĂ©s, oĂą la majoritĂ© de la population a Ă©tĂ© nĂ©gligĂ©e par les entitĂ©s gouvernementales et internationales.

Faire preuve d’une attitude positive

Un père a exprimĂ© son Ă©tonnement face au changement de comportement de sa fille, soulignant sa volontĂ© de l’aider et de s’occuper de lui, un sentiment qu’il n’avait jamais connu auparavant. Cette transformation lui a permis de mieux apprĂ©cier sa fille et de s’engager Ă  lui assurer une Ă©ducation continue, mĂŞme si cela signifie quitter le village pour une ville plus importante.

Une mère, qui ne sait ni lire ni Ă©crire, a fait part de ses observations sur le changement remarquable de sa fille depuis qu’elle assiste aux cours. Elle a relevĂ© la gentillesse de sa fille, la diminution de sa frustration et son sens accru des valeurs humaines. Le simple fait de proposer son aide pour les tâches mĂ©nagères a dĂ©bouchĂ© sur un moment intense d’expression d’amour, un sentiment qu’elle n’avait jamais Ă©prouvĂ© auparavant. Ce sentiment d’amour et de respect suscitĂ© par l’un de nos projets a eu un impact profond sur leurs vies.

Ce rĂ©cit rĂ©confortant illustre le pouvoir de l’Ă©ducation et de l’autonomisation pour transformer les vies et apporter de l’espoir aux communautĂ©s marginalisĂ©es, mĂŞme si ce n’est qu’une fille Ă  la fois.

Protéger les enfants de la violence

Plus de 200 enseignants sensibilisés à la prévention de la violence envers les enfants

Depuis 2017, Nai Qala dispense un programme prĂ©scolaire (Ă©cole enfantine). DĂ©butĂ© avec 3 classes, le programme cible actuellement 90 classes touchant près de 2000 enfants dans 3 provinces. Nai Qala s’assure de la formation des enseignantes et la prise en charge de leur salaire, et Ă©quipe les classes du matĂ©riel adĂ©quat pour accueillir et instruire les enfants. L’association assure un suivi rĂ©gulier des classes et Ă©value le projet tout au long de l’annĂ©e scolaire. L’impact du programme est tangible ; par les compĂ©tences scolaires et sociales acquises, les enfants sont prĂŞts Ă  commencer le cycle primaire, et leurs parents sont plus enclin Ă  les envoyer Ă  l’école.

Au cours des 5 dernières années, de nombreuses améliorations ont été amenées au projet. Pendant leur formation initiale et lors des séminaires de mise à niveau, les enseignantes du préscolaire acquièrent des compétences en matière de santé, nutrition et hygiène et améliorent leurs capacités pédagogiques. La sensibilisation des parents à ces thèmes fait partie intégrante du cahier des charges des enseignantes.

Le corps enseignant du primaire n’est pas prêt

Le travail en Ă©troite collaboration avec les enseignantes du prĂ©scolaire et les communautĂ©s locales a mis en lumière des comportements dĂ©lĂ©tères au bien-ĂŞtre des enfants et a incitĂ© Nai Qala Ă  mettre l’accent sur les droits de l’enfant dans la formation des enseignantes. La mise en Ĺ“uvre du projet a permis d’amĂ©liorer la comprĂ©hension des droits de l’enfant et leur protection au sein des communautĂ©s. Toutefois, l’Ă©valuation du programme prĂ©scolaire a mis en Ă©vidence une lacune importante lorsque les jeunes bĂ©nĂ©ficiaires commencent l’Ă©cole primaire et sont confrontĂ©s Ă  des comportements inadaptĂ©s de la part de leur enseignant.

En Afghanistan, les coups et autres formes d’agression sont souvent considĂ©rĂ©s comme une pratique normale pour discipliner et Ă©duquer les enfants. Le corps enseignant n’est malheureusement pas conscients des effets nĂ©fastes d’une telle violence sur les capacitĂ©s des enfants et sur leur bien-ĂŞtre futur, et ne connaissent pas d’autres mĂ©thodes pour maintenir la discipline et inciter les Ă©lèves Ă  Ă©tudier. La croyance selon laquelle « les bonnes manières ne s’apprennent pas sans coups » est bien ancrĂ©e.

Pour les victimes de violence, l’Ă©cole peut devenir une Ă©preuve plutĂ´t qu’une opportunitĂ©. La promesse et le potentiel de l’Ă©ducation et l’enthousiasme de la dĂ©couverte et de l’apprentissage sont sapĂ©s par la douleur, le traumatisme et la peur. L’expĂ©rience de la violence Ă  l’Ă©cole est une cause de dĂ©crochage scolaire.

Sensibiliser et renforcer les capacités des enseignants

Pour combler les lacunes du corps enseignant, Nai Qala a mis en place un programme de prévention de la violence. L’association a convié les instituteurs, les institutrices, et la direction des écoles primaires auxquelles sont rattachées les classes préscolaires. Ce sont ainsi plus de 130 enseignants issus d’une soixantaine d’écoles primaires des provinces de Bamyan, Daikundi et Ghazni qui ont participé à une semaine de formation au côté des 90 enseignantes des classes préscolaires de Nai Qala.

Au programme, rafraichissement des connaissances sur le développement et les besoins de l’enfant, psychologie, introduction à la conduite de classe positive, pédagogie et mise en place de stratégies pour prévenir la violence dans les écoles. Les enseignantes du préscolaire ont été des participantes actives, inspirant les enseignants du primaire et partageant leur expérience.

Le programme de prĂ©vention de la violence s’étend sur l’annĂ©e scolaire et comprend plusieurs modules de formation et un suivi sur site par du personnel formĂ© Ă  cet Ă©gard. Chaque Ă©tablissement primaire a mis en place un plan d’action. Après quelques semaines, des changements sont concrets. La plupart des Ă©coles ont dĂ©jĂ  sensibilisĂ© les enseignants qui n’étaient pas prĂ©sents lors de la formation Ă  la problĂ©matique. Certains directeurs d’établissement se sont coordonnĂ©s pour dĂ©finir un calendrier en lien avec des objectifs d’apprentissage, une lacune et source de stress pour les enseignants. D’autres Ă©tablissement ont invitĂ© les parents Ă  une sĂ©ance d’information. Des enseignants ont mis en place en place avec leurs Ă©lèves une charte de bonne conduite en classe. De façon plus personnelle, nombreux ont Ă©tĂ© les participants qui ont remis en question leur comportement en tant qu’enseignant … et aussi en tant que parent. 

Dans la continuité du programme déjà mis en place depuis quelques années, les enseignantes des classes préscolaires gérées par Nai Qala appliquent la pédagogie positive en classe et incitent les parents à adopter un comportement bienveillant.

Briser les schémas de la violence

Les Ă©coles sont particulièrement bien placĂ©es pour dispenser une Ă©ducation de qualitĂ© et offrir aux enfants la possibilitĂ© de cultiver leur talent crĂ©atif et leur esprit critique, d’acquĂ©rir des compĂ©tences pratiques, de dĂ©velopper leur estime de soi et leurs relations sociales, et de grandir dans la dignitĂ© en tant qu’individus. Les Ă©coles peuvent Ă©galement servir de ressources importantes pour le dĂ©veloppement et la diffusion des valeurs de non-violence, de coopĂ©ration, de tolĂ©rance et de respect, non seulement parmi les Ă©lèves et le corps enseignant mais aussi au-delĂ , dans les familles et la communautĂ© au sens large.

L’Ă©ducation dispose d’un potentiel unique pour crĂ©er un environnement oĂą les attitudes tolĂ©rant la violence peuvent ĂŞtre modifiĂ©es et oĂą les comportements non violents peuvent ĂŞtre appris. Dès le plus jeune âge, les Ă©coles et les enseignants sont bien placĂ©s pour briser les schĂ©mas de violence et apporter des compĂ©tences en matière de communication, de nĂ©gociation et de soutien Ă  des solutions pacifiques aux conflits. Les enseignants sont des acteurs respectĂ©s au sein des communautĂ©s et sont habilitĂ©s Ă  transmettre le message aux parents et Ă  l’ensemble de la communautĂ©.

La commission des achats

Quand les brosses à dents sont prévues pour des mâchoires d’éléphants

Voilà déjà 5 ans que nous mettons en place un programme d’éducation pré-primaire auquel nous avons ajouté, depuis l’année dernière, ajouté un programme de classes communautaires complétant notre portefeuille de projets éducatifs. Ces sont donc, au total, une centaine de classes que nous équipons de matériel pédagogique, ludique ou hygiénique.

Le retour des enseignantes sur le matériel utilisé est primordial.

A chaque rentrĂ©e, nous ajustons et remplaçons le matĂ©riel dĂ©tĂ©riorĂ© et inutilisable, et renouvelons les kits d’hygiène personnel des enfants. Les enseignantes informent les coordinateurs du projet de leurs observations sur le matĂ©riel utilisĂ© pendant l’annĂ©e scolaire. Ainsi certains jeux, jouets, articles de papèterie d’importation sont parfois loin de correspondre aux normes de qualitĂ© attendues : une colle ou des stylos qui sèchent trop vite, des crayons friables, de la pâte Ă  modeler solide, des jouets qui ne survivent pas Ă  quelques jours d’utilisation sont autant de remarques qui nous mettent la puce Ă  l’oreille. 

Le retour des enseignantes sur l’inadĂ©quation de la taille des brosses Ă  dents faisant remarquer qu’elles sont faites pour « des mâchoires d’élĂ©phant Â» a aussi fortement remis en question notre façon de faire les achats, ne nous contentant plus de suivre aveuglĂ©ment des listes de matĂ©riel Ă©dictĂ©es par des consortiums impliquĂ©s dans la dissĂ©mination de programmes Ă©ducatifs.

Des tests d’achat dignes des plus grandes organisations de consommateurs

La marque de fabrique de Nai Qala est de mettre en avant des programmes Ă©ducatifs de qualitĂ© avec des solutions locales Ă  bas coĂ»ts, qu’il n’est donc pas forcĂ©ment rĂ©aliste d’associer avec des produits de marques internationales rĂ©putĂ©es. Afin de s’assurer un matĂ©riel adaptĂ©, avec un rapport qualitĂ© prix optimal, Nai Qala a mis en place un système de test de matĂ©riel complĂ©tant sa politique en matière d’achats qui requiert de comparer les offres de prix d’au moins trois fournisseur. Ce printemps, en prĂ©vision de la rentrĂ©e des classes, l’équipe du bureau de Nai Qala a testĂ© en bonne et due forme des dizaines de stylos, crayons, gommes, colles et autres articles ; leur faisant subir des tests de durĂ©e et de gravitĂ©, contrĂ´lant le contenu des rĂ©servoirs : combien d’heures d’écriture pour un stylo ? A combien de chocs, un crayon peut-il survivre ? Le pot de colle est-il rempli jusqu’en haut ? Chaque modèle a Ă©tĂ© Ă©valuĂ© selon des critères objectifs et seuls les meilleurs ont Ă©tĂ© retenus.

En ce qui concerne la taille des brosses Ă  dents, le responsable des achats a Ă©tĂ© de chargĂ© de l’étude du marchĂ© et de faire tester aux collègues des modèles adaptĂ©s. Après plusieurs jours de test, le modèle qui fera son apparition dans les classes a Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ© : une brosse Ă  dent toute simple et solide qui permettra d’atteindre les moindres recoins de la bouche d’un enfant de 6 ans.

Presque tout est disponible sur les marchĂ©s de la capitale de l’Afghanistan, mais pas toujours aux normes de qualitĂ© internationale : un consommateur averti en vaut deux. Les jeunes bĂ©nĂ©ficiaires des programmes Ă©ducatifs de Nai Qala pourront compter sur du matĂ©riel adaptĂ© Ă  leur utilisation.

Inauguration de l’école de Dou Aab

Une 12ème Ă©cole pour les communautĂ©s rurales reculĂ©es

Lorsque nous avons visitĂ© le village de Dou Aab pour la première fois, en 2016, nous avons Ă©tĂ© frappĂ©s par les conditions d’apprentissage des Ă©lèves et le dĂ©nuement extrĂŞme de la rĂ©gion. L’école de Dou Aab, un Ă©tablissement primaire accueillant les enfants jusqu’à la 9ème annĂ©e, des filles et garçons âgĂ©s de 7 Ă  16 ans, ne disposait pas de bâtiment en dur. Les cours Ă©taient dispensĂ©s en plein air, parfois sous des tentes dĂ©chirĂ©es, et ne pouvaient avoir lieu en cas de mauvais temps. Les Ă©lèves Ă©taient la plupart du temps assis Ă  mĂŞme le sol, sous le soleil ou parfois dans la neige, comme c’est souvent le cas dans les projets pour lesquels l’association Nai Qala s’engage. Sans surprise, ces mauvaises conditions compliquaient considĂ©rablement l’achèvement du programme annuel et se traduisaient par un taux Ă©levĂ© de dĂ©crochage scolaire. 

Bien que, depuis notre première visite dans le village, une organisation a fourni des structures provisoires en plastique, le manque de motivation des enseignants et le dĂ©sintĂ©rĂŞt des parents pour l’éducation restent malheureusement une rĂ©alitĂ©. L’absence d’un vĂ©ritable bâtiment est interprĂ©tĂ©e par la population comme un abandon par l’état et la communautĂ© internationale, ce qui la pousse Ă  chercher des opportunitĂ©s Ă©conomiques en dehors du village. 

Dans sa mission d’offrir des conditions d’apprentissage dignes aux enfants des rĂ©gions rurales dĂ©favorisĂ©es du centre de l’Afghanistan, l’association Nai Qala s’est lancĂ©e dans la construction de son 12ème bâtiment scolaire. L’Association s’est assurĂ©e de la sĂ©lection du terrain de la future construction en consultation avec le conseil des anciens du village, du transfert de propriĂ©tĂ©, de la mise en adjudication de la construction auprès d’entreprises locales et a signĂ© un protocole d’accord avec le ministère de l’éducation assurant l’inclusion de l’école dans son portefeuille. 

Le chantier a démarré en mai 2022 et, bénéficiant d’une météo clémente, s’est terminé en octobre 2022. Les murs du bâtiment sont construits avec les pierres des montagnes environnantes ; le sable et le gravier utilisés pour la maçonnerie proviennent des rivières toutes proches. L’entreprise de construction a engagé des hommes du village, offrant ainsi à des dizaines de familles un revenu bienvenu dans une région où les opportunités économiques sont rares.

Installé au pied de la montagne, le bâtiment est visible de loin : c’est une école comprenant 6 salles de classes, 1 salle pour les enseignants, 1 salle multi-usage servant de bibliothèque et de salle d’informatique, le tout équipé du mobilier nécessaire. La construction est complétée par un bloc sanitaire avec accès à l’eau courante, un terrain de sport extérieur pour la pratique du volley-ball, et d’un mur d’enceinte.

Une joyeuse cérémonie réunissant les écoliers, les villageois et les autorités locales a clos le projet. Les jeunes élèves de 5 classes du programme préscolaire de Nai Qala se sont joint à la fête et ont découvert l’école qui les accueillera au printemps. L’inauguration du nouveau bâtiment fut l’occasion de remettre officiellement les clés de l’école au directeur de l’établissement et à la communauté pour le plus grand plaisir des 540 bénéficiaires actuels et des futures générations d’écoliers de Dou Aab.

Quand les enfants ne peuvent pas aller Ă  l’Ă©cole, l’Ă©ducation vient Ă  eux

L’Ă©ducation Ă  base communautaire (EBC) permet aux enfants d’âge scolaire de recevoir une Ă©ducation, mĂŞme lorsque les Ă©coles sont difficiles Ă  atteindre. 

Des millions d’enfants ne sont pas scolarisĂ©s en Afghanistan ; beaucoup vivent dans des zones difficiles d’accès oĂą il n’y a pas d’Ă©cole formelle ou dans lesquelles l’Ă©cole la plus proche n’est pas accessible Ă  pied. Terminer l’Ă©cole primaire est un dĂ©fi, surtout dans les zones rurales et pour les filles, malgrĂ© quelques progrès rĂ©cents dans la scolarisation. La pĂ©nurie d’Ă©coles et l’absence de moyens de transport sont les principaux obstacles Ă  l’Ă©ducation. Les barrières gĂ©ographiques, en particulier dans les zones montagneuses, compliquent l’accès des enfants Ă  la salle de classe : une longue marche vers l’Ă©cole implique que moins d’enfants s’y rendent.

Pour les enfants des zones isolĂ©es en âge de frĂ©quenter l’Ă©cole primaire, de la première Ă  la sixième annĂ©e, le ministère de l’Ă©ducation a mis en place un enseignement alternatif dans des bâtiments communautaires ou des maisons privĂ©es, avec un enseignant issu de la communautĂ© locale. L’Ă©ducation communautaire a une longue histoire en Afghanistan, qui remonte aux « écoles de village » soutenues par le gouvernement dans les annĂ©es 1970, lorsque les villages Ă©taient trop dissĂ©minĂ©s ou que leur population Ă©tait infĂ©rieure au seuil de scolarisation primaire. Aujourd’hui, bien que la plupart de ces classes communautaires soient soutenues par des ONG, le ministère de l’Ă©ducation s’est engagĂ© Ă  soutenir cette Ă©ducation non formelle et reconnaĂ®t officiellement les classes communautaires comme un service de proximitĂ© au sein du système Ă©ducatif national.

En Afghanistan, l’EBC s’est avĂ©rĂ©e ĂŞtre une approche efficace pour atteindre les enfants non scolarisĂ©s, en particulier les filles.

L’Ă©ducation avec une infrastructure minimale et flexible

Les villageois fournissent une salle de classe, une grande pièce dans une maison privĂ©e, un bâtiment communautaire ou une mosquĂ©e, et dĂ©signent des enseignants potentiels au sein de la communautĂ©. Les organisations d’aide forment les enseignants, paient leurs salaires et fournissent les manuels scolaires approuvĂ©s par le gouvernement ainsi que les petites fournitures. Le gouvernement intègre les classes communautaires dans le système Ă©ducatif plus large et certifie les enseignants. Chaque centre communautaire dessert le village dans lequel il est situĂ© ; l’Ă©ducation communautaire est rĂ©partie sur plusieurs sites, ce qui rend la frĂ©quentation plus pratique pour les enfants vivant dans des rĂ©gions Ă©loignĂ©es. 

Ces programmes communautaires sont faciles Ă  mettre en place et relativement bon marchĂ© : pas besoin d’infrastructures complexes, les enseignants appartiennent Ă  la communautĂ©. Lorsque l’accès Ă  l’Ă©cole primaire est un dĂ©fi, les enfants ont la possibilitĂ© de recevoir une Ă©ducation de base et d’intĂ©grer les Ă©coles formelles lorsqu’ils sont assez âgĂ©s et suffisamment sĂ»rs pour marcher. L’EBC donne aux communautĂ©s l’occasion de dĂ©velopper un sentiment d’appartenance. Les parents sont de solides partenaires, ils peuvent se rendre rĂ©gulièrement dans les classes, vĂ©rifier l’assiduitĂ© et observer les cours. 

L’association Nai Qala comble des lacunes en matière d’éducation dans les communautĂ©s isolĂ©es. 

En construisant des Ă©coles et en gĂ©rant des programmes prĂ©scolaires dans des zones mal desservies des rĂ©gions montagneuses du centre de l’Afghanistan, Nai Qala a pu observer le manque d’installations scolaires formelles et la forte proportion d’enfants non scolarisĂ©s. Lors du suivi du programme prĂ©scolaire en place, le personnel de l’association a dĂ©couvert que dans certains villages, les enfants n’Ă©taient tout simplement pas inscrits Ă  l’Ă©cole primaire. En effet, les distances Ă  parcourir pour se rendre Ă  l’Ă©cole peuvent ĂŞtre longues et empĂŞcher les enfants et/ou les filles les plus jeunes d’assister Ă  une classe formelle. Lorsque les enfants grandissent et sont physiquement capables de rejoindre une Ă©cole, ils sont alors trop âgĂ©s pour ĂŞtre inscrits dans le système Ă©ducatif formel.

La vision de l’association Nai Qala’s est de fournir un paquet complet d’Ă©ducation dans les rĂ©gions rurales Ă©loignĂ©es, de l’âge prĂ©-primaire jusqu’Ă  l’accès Ă  l’Ă©ducation supĂ©rieure avec un programme prĂ©scolaire, la construction de bâtiments scolaires, et des classes de soutien scolaire. Pour combler les lacunes, l’association Nai Qala pilote un projet d’EBC dans 10 villages, depuis septembre 2022, dans le prolongement de son programme prĂ©scolaire. Les classes sont situĂ©es dans les provinces de Bamyan, Daikundi et Ghazni, dans des villages reculĂ©s oĂą l’association gère une Ă©cole maternelle, afin de s’assurer que tous les enfants rĂ©alisent leur droit Ă  l’Ă©ducation.

Après avoir recrutĂ© des enseignants rĂ©pondant aux critères fixĂ©s par le gouvernement, l’association Nai Qala a formĂ© 8 femmes et 2 hommes, avec le soutien du rĂ©seau de dĂ©veloppement Aga Khan (AKDN). Après la formation, les enseignants sont retournĂ©s dans leurs villages et supervisent une trentaine d’enfants, âgĂ©s de 7 Ă  8 ans (parfois jusqu’Ă  13 ans) pendant une annĂ©e scolaire intense. Avec le soutien de l’AKDN, Nai Qala a fourni Ă  chaque communautĂ© un tableau noir, de la moquette, de la papeterie, des cahiers et des manuels scolaires afin que chacun soit Ă©quipĂ© pour suivre la classe. De plus, les employĂ©s de Nai Qala assurent un suivi de chaque classe, mettant Ă  profit l’Ă©quipe prĂ©scolaire en place.

Une première visite de suivi dans la province de Ghazni a confirmĂ© que le besoin de ces classes est Ă©norme. En effet, le jour oĂą le projet a dĂ©marrĂ©, plus de 80 filles Ă©taient impatientes de pouvoir s’inscrire, mais comme les capacitĂ©s de l’organisation sont limitĂ©es Ă  35 Ă©lèves, plus de 45 filles ont Ă©tĂ© laissĂ©es en pleurs, déçues et avec un sentiment d’exclusion, tandis que leurs pères exprimaient aussi leur tristesse. Ces villages reculĂ©s n’ont jamais bĂ©nĂ©ficiĂ© d’un soutien extĂ©rieur ; l’Ă©ducation des filles fait dĂ©faut ; la mortalitĂ© infantile et maternelle est Ă©levĂ©e…

L’Ă©ducation communautaire ouvre l’horizon, le cĹ“ur et l’esprit Ă  l’apprentissage dans les conditions les plus difficiles. Cette annĂ©e, plus de 300 enfants bĂ©nĂ©ficient du projet d’Ă©ducation communautaire de l’Association Nai Qala.

La relativité du temps

Les communautés isolées du centre montagneux de l’Afghanistan ont un sens du temps qui est très relatif.

Qu’est-ce que le temps ? Dans les sociĂ©tĂ©s occidentales et occidentalisĂ©es, le temps est ce que mesure une horloge. De la prime jeunesse Ă  la vieillesse, le quotidien est rempli d’engagements et de rendez-vous liĂ©s au temps ; la vie ordinaire est rĂ©gie par l’assiduitĂ© requise pour l’Ă©cole, les Ă©tudes ou le travail, les sports, les activitĂ©s artistiques, les loisirs, les Ă©vĂ©nements sociaux. On ne peut penser aux jours, aux mois ou aux annĂ©es sans une dĂ©finition très carrĂ©e du temps.

Dans les rĂ©gions montagneuses du centre de l’Afghanistan, le temps est une rĂ©alitĂ© diffĂ©rente. Le rythme du soleil, les cycles de la lune, la succession des saisons, les besoins du bĂ©tail ou des champs, les appels Ă  la prière rythment la vie. Mais le temps devient complexe Ă  gĂ©rer lorsque l’Ă©cole maternelle arrive dans ces rĂ©gions reculĂ©es.

Les classes prĂ©scolaires ont lieu les jours de semaine avec un horaire rĂ©gulier. Les enfants sont censĂ©s arriver quelques minutes avant le dĂ©but de la classe. Les enseignantes sont toujours prĂ©sentes au moins 30 minutes avant le dĂ©but de la leçon, s’assurant que tout est prĂŞt pour accueillir leurs jeunes Ă©lèves. Cependant, l’enseignante est souvent surprise de voir des enfants attendre devant la porte bien avant son arrivĂ©e en classe. De mĂŞme, il n’est pas rare que les enfants rejoignent la classe juste avant la fin du cours ou qu’ils s’endorment pendant le cours.

Passer des horloges à cadran sophistiquées aux horloges en carton faites à la main

Les salles de classe sont gĂ©nĂ©ralement Ă©quipĂ©es d’horloges Ă  cadran ; elles sont habituellement accrochĂ©es tout en haut du mur, juste en dessous du plafond, comme une dĂ©coration intouchable pour les enfants. Ces horloges aident les enseignantes Ă  organiser leur journĂ©e de travail puisque leur propre montre est surtout utilisĂ©e comme un accessoire de mode en l’absence d’une pile en Ă©tat de fonctionner ; les horloges Ă  cadran servent Ă©galement de support abstrait aux enfants pour apprendre Ă  lire l’heure, ce qu’ils font avec beaucoup d’attention : ils peuvent dire avec prĂ©cision « Il est neuf heures et demie », « Il est trois heures moins le quart », mais lorsqu’on leur demande Ă  quelle heure ils sont censĂ©s se prĂ©parer pour l’Ă©cole, ils rĂ©pondent gĂ©nĂ©ralement « Quand le soleil se lève » ; il n’y a aucun lien avec l’horloge.

Lorsqu’elles ont Ă©valuĂ© l’Ă©quipement le plus et le moins utile dans la classe, les coordinatrices prĂ©scolaires ont rĂ©pondu Ă  l’unanimitĂ© l’horloge Ă  cadran. 

Les classes prĂ©scolaires qui ont rĂ©cemment ouvert leurs portes n’ont plus de cadran Ă  piles, mais de jolies horloges en carton fabriquĂ©es par les enseignants. Les enfants peuvent les toucher et jouer avec, sans craindre de les casser. La lecture de l’heure est enseignĂ©e d’une manière plus pratique, en reliant le temps aux activitĂ©s de la vie quotidienne. Les enfants chantent une comptine qui dĂ©crit les diffĂ©rents moments de leur routine quotidienne et qu’ils peuvent associer au temps : « Je me rĂ©veille, je me lave le visage et je demande du thĂ© Ă  ma mère et après je me prĂ©pare et je vais en classe… » Les enseignantes donnent de la vie et du sens au temps en liant l’horloge et le temps des repas afin que les enfants soient capables de rĂ©clamer de la nourriture Ă  leurs parents trop occupĂ©s. Les enfants sont plus sensibles au temps pour leur discipline quotidienne. En d’autres termes, les enseignants donnent de la « vie » et du sens Ă  l’heure.

Les parents sont informĂ©s par leurs enfants et les enseignantes de l’horaire de l’Ă©cole maternelle, ou du moment oĂą les enfants doivent se rĂ©veiller ou se prĂ©parer pour l’Ă©cole. La plupart des parents possèdent un tĂ©lĂ©phone portable avec une horloge et ils sont sensibilisĂ©s par leurs enfants Ă  utiliser l’heure de manière appropriĂ©e. D’ailleurs, ils ne rĂ©veillent plus leurs enfants des heures avant de partir pour l’Ă©cole, les enfants s’endorment moins souvent pendant les cours et sont prĂŞts pour le dĂ©but de la classe. Les enfants rappellent gentiment Ă  leur mère qu’il est l’heure d’aller chercher Ă  manger afin que les parents toujours occupĂ©s n’oublient pas de les nourrir comme c’est souvent le cas. 

L’installation d’horloges en carton dans la classe a apportĂ© une discipline utile pour une vie saine, au-delĂ  de toute attente.

Stabilité dans la tourmente

Alors que les nouvelles parvenant d’Afghanistan Ă©taient plutĂ´t alarmantes vues de l’occident, Nai Qala poursuivait ses actions sur le terrain de façon presque routinière. 

Après presque quatre mois de changement politique et du dĂ©part de la communautĂ© internationale, quels sont les impacts pour Nai Qala ?

Construction de bâtiments scolaires

La veille du renversement du gouvernement en place Ă  Kaboul, Nai Qala marquait, tranquillement, la fin des travaux de l’école pour filles que l’association avait dĂ©butĂ© en septembre de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente.  La petite cĂ©rĂ©monie de clĂ´ture se dĂ©roula en prĂ©sence des autoritĂ©s locales et des futures bĂ©nĂ©ficiaires qui Ă©taient Ă  ce moment-lĂ  en pĂ©riode de vacances forcĂ©es pour cause de … pandĂ©mie. 

Après quelques semaines d’hĂ©sitation, les filles purent prendre possession des lieux alors que les autoritĂ©s provinciales levaient l’interdiction qui avait Ă©tĂ© faite aux plus grandes d’entre elles d’étudier. Nai Qala profitait de la fermeture des Ă©coles pour entreprendre des travaux de rĂ©novations sur l’ancienne Ă©cole du village afin de prĂ©venir les infiltrations d’eau liĂ©es aux dures conditions hivernales prĂ©valant dans la rĂ©gion. La nouvelle Ă©cole et son ainĂ©e rĂ©novĂ©e furent inaugurĂ©es mi-novembre devant un parterre constituĂ© de centaines de filles, des reprĂ©sentants de la communautĂ© locale et des nouvelles autoritĂ©s provinciales. Les clĂ©s du nouveau bâtiment furent officiellement remises Ă  la communautĂ©. 

Et du cĂ´tĂ© du programme d’éducation prĂ©scolaire ?

Nai Qala gère un programme d’éducation prĂ©scolaire dans les provinces de Bamyan et de Daikundi. Les enfants, les 65 enseignantes, le personnel d’accompagnement et les communautĂ©s locales ont, lĂ  aussi, eu plus de difficultĂ©s Ă  gĂ©rer les fermetures temporaires des classes due au Covid, et promulguĂ©es par le gouvernement central, que de s’inquiĂ©ter d’un changement politique. Les rĂ©gions montagneuses du centre de l’Afghanistan oĂą Nai Qala opère ont Ă©tĂ© largement ignorĂ©es par les gouvernements successifs de Kaboul au cours des 20 dernières annĂ©es ; les populations rurales subissant une pauvretĂ© extrĂŞme ne se sentent pas concernĂ©es par la politique : leur prioritĂ© est depuis toujours de nourrir leur famille. Bien sĂ»r quelques enseignantes se sont posĂ© la question de la pĂ©rennitĂ© de leur activitĂ© sous le nouveau rĂ©gime. Aucune interdiction formelle de travailler ne leur a Ă©tĂ© notifiĂ©e et elles ont pu continuer Ă  enseigner pour le plus grand plaisir des jeunes Ă©lèves. Comme tous les projets initiĂ©s par Nai Qala, le programme d’éducation prĂ©scolaire est dĂ©fini, mis en place et activĂ© en collaboration avec les communautĂ©s locales qui se l’approprient.

 
Quid des nouvelles autoritĂ©s ?

Depuis toujours, Nai Qala a engagé des discussions avec les autorités en place. Tous les projets sont systématiquement approuvés par le ministère de l’éducation et le nouveau régime ne fait pas exception. Nai Qala a même eu l’occasion de recevoir un des tous premiers protocoles d’accord signé par le ministre de l’Éducation. Les autorités provinciales de Bamyan et Daikundi donnent des signaux favorables pour la poursuite des activités éducatives pour tous, en autorisant par exemple filles et garçons à étudier, quel que soit leur âge.

Un avenir envisagé sereinement

Depuis le dĂ©but, Nai Qala a dĂ©veloppĂ© une approche basĂ©e sur l’engagement des communautĂ©s. Les autoritĂ©s locales et la population sont toujours incluses dans la dĂ©finition des projets, ce qui les encourage Ă  se sentir reconnues, respectĂ©es et impliquĂ©es. La fiertĂ© des populations Ă  participer Ă  l’élaboration et la mise en Ĺ“uvre des projets explique pourquoi la douzaine d’écoles et le dispensaire que nous avons construits sont toujours en fonction et sont maintenus en bonnes conditions. Les autoritĂ©s locales et la population se sont appropriĂ© les projets et protègent ce que Nai Qala a rĂ©alisĂ© et construit avec le soutien des donateurs. Les populations locales vont continuer Ă  protĂ©ger les constructions et les projets dans cette nouvelle phase aussi. Bien qu’extrĂŞmement pauvres et souvent illettrĂ©es, ces communautĂ©s sont profondĂ©ment engagĂ©es pour l’éducation de leurs filles et garçons. 

Ă€ la suite de changements politiques, un petit moment d’observation est toujours nĂ©cessaire, mais rien ne changera la position des communautĂ©s engagĂ©es dans les projets de l’Association. L’Association maintient le cap et poursuit ses activitĂ©s auprès des populations dĂ©favorisĂ©es. Nous ne comptons pas nous arrĂŞter sur le succès des dernières constructions : nous nous sommes engagĂ©s rĂ©cemment Ă  bâtir une nouvelle Ă©cole dans un village encore plus retirĂ©, dans le district de Yakawlang. Les travaux devraient dĂ©buter Ă  la fin de l’hiver, lorsque la mĂ©tĂ©o sera plus clĂ©mente. CĂ´tĂ© Ă©ducation prĂ©scolaire, nous sommes Ă  la veille des vacances d’hiver. Avant la reprise des cours, au printemps, les 65 enseignantes des classes prĂ©scolaires et certains de leurs collègues du primaire prendront part Ă  un sĂ©minaire pĂ©dagogique organisĂ© pour renforcer leurs compĂ©tences. 

Des invités très spéciaux sur le terrain

Pour la première fois dans l’histoire de Nai Qala, un bailleur de fonds visite un de nos projets.

Depuis 2007, Nai Qala met en Ĺ“uvre des projets dans des rĂ©gions reculĂ©es du centre de l’Afghanistan. Depuis notre tout premier projet, la construction d’une Ă©cole dans le village de Nai Qala, des centaines de donateurs, petits ou grands, ont effectuĂ© des dons pour soutenir notre travail et faire la diffĂ©rence auprès des communautĂ©s dĂ©laissĂ©es. En juin 2021, pour la première fois, l’un de nos partenaires les plus importants, l’Agence suisse de dĂ©veloppement et de coopĂ©ration (DDC), a visitĂ© certains de nos projets dans les rĂ©gions reculĂ©es du centre de l’Afghanistan.  

Un donateur prĂŞt Ă  se rendre sur le terrain

La Suisse s’engage Ă  amĂ©liorer l’accès de tous Ă  une Ă©ducation de base de qualitĂ© en Afghanistan et est le partenaire principal du projet prĂ©scolaire de Nai Qala ; ce programme contribue Ă  prĂ©parer les enfants Ă  l’Ă©cole primaire, augmentant ainsi considĂ©rablement leurs chances de rĂ©ussite et rĂ©duisant le risque de dĂ©crochage scolaire. Depuis un peu plus d’une annĂ©e, la coopĂ©ration suisse au dĂ©veloppement soutient notre projet d’Ă©ducation prĂ©scolaire dans la province de Daikundi et dans certaines des rĂ©gions les plus reculĂ©es de la province de Bamyan, oĂą de nombreux garçons et filles ne sont pas scolarisĂ©s. 

Au dĂ©but de l’annĂ©e 2021, Nai Qala a fait une prĂ©sentation Ă  la DDC sur les projets qu’elle soutient. La DDC a Ă©tĂ© positivement impressionnĂ©e par l’impact et l’importance de son soutien aux enfants, aux parents et aux communautĂ©s rurales. Elle a exprimĂ© son profond dĂ©sir et son intĂ©rĂŞt Ă  effectuer une visite sur le terrain et Ă  voir de ses propres yeux les rĂ©sultats des projets de l’association Nai Qala. Très honorĂ© par la confiance et l’engagement de ses partenaires, Nai Qala a acceptĂ© le dĂ©fi et a organisĂ© une visite du projet pour 3 membres de l’Ă©quipe de la DDC Ă  Kaboul.

Visite de classes préscolaires dans la province de Bamyan

A la fin du mois de juin, Nai Qala a emmenĂ© l’Ă©quipe de la DDC pour une visite de villages du district de Yakawlang oĂą le projet est implĂ©mentĂ©. L’objectif principal de la visite Ă©tait le suivi du projet prĂ©scolaire mis en Ĺ“uvre dans la province de Bamyan. La dĂ©lĂ©gation a visitĂ© deux classes et a rencontrĂ© des enseignants et des parents. Ils ont eu l’occasion de constater les changements apportĂ©s par le programme prĂ©scolaire tant chez les enfants que dans les communautĂ©s. En effet, tous ont Ă©tĂ© très impressionnĂ©s :

« Lorsque nous avons visitĂ© les classes prĂ©-primaires gĂ©rĂ©es par l’association Nai Qala […], nous avons Ă©tĂ© impressionnĂ©s de voir les compĂ©tences sociales que les enfants avaient dĂ©veloppĂ©es. Un père plein de fiertĂ© nous a dit que sa fille comptait mieux que son frère aĂ®nĂ©, qui est dĂ©jĂ  Ă  l’Ă©cole primaire. Tous les parents nous ont dit que leurs enfants sont plus concentrĂ©s, plus respectueux envers les aĂ®nĂ©s et qu’ils font preuve d’une meilleure hygiène personnelle et de meilleures manières Ă  table depuis qu’ils ont commencĂ© Ă  suivre les cours. Cela leur donne de bien meilleures chances de rĂ©ussir Ă  l’Ă©cole et, venant de communautĂ©s souvent nĂ©gligĂ©es, ces enfants ont besoin de tous les avantages qu’ils peuvent obtenir ».

Un sentiment de fierté

La prĂ©sence de la dĂ©lĂ©gation de la DDC a fait la fiertĂ© des communautĂ©s, car peu d’Ă©trangers prennent le temps et le risque de se rendre chez elles. Elles n’auraient jamais imaginĂ© avoir des hĂ´tes d’une telle qualitĂ©, s’intĂ©ressant de surcroit Ă  l’Ă©ducation de leurs enfants. Les gens ont besoin d’inspiration et cette visite a permis Ă  ces communautĂ©s d’en trouver.

Tout aussi important, l’Ă©quipe de la DDC a fait aussi la fiertĂ© de Nai Qala, car cette visite sur le terrain n’avait pas pour seul but d’examiner oĂą et comment les financements de la Suisse sont dĂ©pensĂ©s, mais aussi de se rendre compte dans quelles conditions l’association Nai Qala travaille et du niveau d’engagement requis pour s’assurer que nous atteignons chaque enfant pour lui fournir une Ă©ducation de base. Cette expĂ©rience restera une source d’inspiration et de motivation importante. Elle nous a donnĂ© un vĂ©ritable Ă©lan de confiance.

Extension de nos activités à la province de Daikundi

L’expansion de notre programme prĂ©scolaire nous a conduit dans une troisième province en pleine Ă©volution.

En 2017, Nai Qala a commencĂ© son programme prĂ©scolaire dans la province de Ghazni et suite Ă  son succès, Nai Qala a poursuivi son expansion d’abord dans la province de Bamyan en 2019, puis au printemps 2021 dans la province de Daikundi. Au total, Nai Qala gère actuellement 65 classes prĂ©scolaires dans 3 provinces.

Une population jeune Ă  la recherche d’opportunitĂ©s de dĂ©veloppement

Daikundi est une nouvelle province, créée Ă  partir des districts du nord de la province d’Oruzgan qui font partie Ă  l’origine de la rĂ©gion ethnique hazara. La province de Daikundi est bordĂ©e, Ă  l’est, par les provinces de Bamyan et Ghazni, oĂą nous sommes dĂ©jĂ  prĂ©sents.

Daikundi, en tant que rĂ©gion, a historiquement souffert d’une profonde pauvretĂ© rĂ©sultant d’une situation gĂ©ographique extrĂŞmement difficile et de la duretĂ© de la rĂ©gion montagneuse, qui a maintenu ses habitants isolĂ©s et exclus de la plupart des initiatives de dĂ©veloppement. La rudesse de la rĂ©gion a créé une forte cohĂ©sion sociale parmi ses habitants, ce qui a fait de Daikundi l’une des provinces les plus stables d’Afghanistan.

Une enquĂŞte socio-Ă©conomique a rĂ©vĂ©lĂ© que la moitiĂ© de la population de la province est âgĂ©e de 15 ans ou moins, les jeunes de 15 Ă  24 ans reprĂ©sentant 20,6 % de la population de la province, ce qui implique une structure d’âge très jeune. Cela confirme le fait que l’indice synthĂ©tique de fĂ©conditĂ© enregistrĂ© dans la province est Ă©levĂ©, avec plus de 7 enfants par femme.

Les principales sources de revenus Ă  Daikundi sont l’agriculture et la migration de la main-d’Ĺ“uvre, principalement en Iran. La culture des amandiers reprĂ©sente depuis peu un nouvel espoir, en apportant un certain revenu, en tant que première culture de rente, et en offrant Ă  la population un meilleur horizon et quelques perspectives d’avenir.

La partie centrale de la province et la rĂ©gion entourant la capitale provinciale, Nili, abritent de nombreuses personnes dĂ©placĂ©es Ă  l’intĂ©rieur du pays qui ont quittĂ© une vie difficile dans les montagnes oĂą la terre est stĂ©rile et inaccessible, souvent avec un manque d’eau persistant, Ă  la recherche d’opportunitĂ©s et d’une vie meilleure. En plus de ces personnes dĂ©placĂ©es Ă  l’intĂ©rieur du pays, de nombreux rapatriĂ©s de l’Ă©tranger s’installent maintenant et recommencent leur vie dans la rĂ©gion.

Notre programme préscolaire répondra aux besoins de cette nouvelle population montante

Au printemps de cette annĂ©e, nous avons ouvert 20 classes prĂ©scolaires dans les environs de Nili. Nos jeunes bĂ©nĂ©ficiaires sont pour la plupart issus de familles dĂ©placĂ©es Ă  l’intĂ©rieur du pays et vivent en dessous du seuil de pauvretĂ©. L’une de nos classes est situĂ©e dans une communautĂ© composĂ©e principalement d’anciens rĂ©fugiĂ©s revenus de l’Ă©tranger. L’inclusion des enfants rĂ©fugiĂ©s dans un programme prĂ©scolaire est très importante pour l’association Nai Qala. En effet, la vie d’un rĂ©fugiĂ© est dure, il est constamment exclu, mais le retour au pays est Ă©galement difficile, car la rĂ©installation ne se fait pas forcĂ©ment dans la ville d’origine, et la vie doit repartir de zĂ©ro.

Nos classes prĂ©scolaires accueillent Ă©galement un grand nombre d’enfants orphelins. Comme Daikundi est une province très pauvre et que très peu d’attention a Ă©tĂ© accordĂ©e au dĂ©veloppement, un nombre considĂ©rable d’hommes sont partis Ă  la recherche de travail. PoussĂ©s par la pauvretĂ©, beaucoup d’entre eux ont Ă©tĂ© recrutĂ©s dans l’armĂ©e et ont combattu sur la ligne de front, mais peu sont rentrĂ©s chez eux. Les enfants sans père souffrent souvent d’exclusion et, dans la plupart des cas, sont mĂŞme abandonnĂ©s par leur mère lorsqu’elle se remarie.

Le programme prĂ©scolaire de la province de Daikundi cible une nouvelle population montante au sein d’une sociĂ©tĂ© dynamique et en pleine mutation. Les gens viennent de s’installer ou s’installent dans la rĂ©gion de Nili, ce qui rend notre investissement susceptible d’ĂŞtre durable Ă  plus long terme. Nous pensons que nous pouvons donner de l’espoir aux enfants et Ă  leurs familles grâce Ă  un programme prĂ©scolaire. Nous devons Ă©galement garder Ă  l’esprit que Daikundi n’est pas une province prospère offrant de nombreuses opportunitĂ©s et dĂ©veloppements. Comme de nombreuses communautĂ©s en Afghanistan, les communautĂ©s de Daikundi traversent un chemin difficile. Nous sommes particulièrement fiers d’offrir une chance de donner un avenir prometteur Ă  leurs enfants.

Nous avons Ă©tĂ© très heureux d’inaugurer notre projet d’Ă©ducation prĂ©scolaire Ă  Daikundi et de commencer Ă  investir dans l’avenir de ses enfants. Nous nous rĂ©jouissons d’accompagner cette communautĂ© courageuse, de nous en inspirer et de mettre en Ĺ“uvre ensemble des initiatives importantes pour contribuer au changement de cette sociĂ©tĂ©.