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Changement de valeurs

Une récente visite dans un village isolé a révélé des changements bien au-delà des attentes.

Soutenir les communautés négligées en leur apportant des compétences humaines

La prĂ©sidente de l’association s’est rĂ©cemment rendue dans un village reculĂ© du centre de l’Afghanistan oĂč Nai Qala met en Ɠuvre des projets pour les filles, les femmes et les mĂšres. Ces rĂ©gions sont parmi les plus nĂ©gligĂ©es de tout le pays et se caractĂ©risent par un manque d’accĂšs aux droits humains fondamentaux tels que l’Ă©ducation, les soins et la santĂ© et d’autres activitĂ©s de dĂ©veloppement. Historiquement et gĂ©ographiquement marginalisĂ©es, les populations sont confrontĂ©es Ă  des difficultĂ©s profondes, aggravĂ©es par des dĂ©cennies de guerre.

Notre programme, qui existe depuis quelques annĂ©es et s’adresse spĂ©cifiquement aux filles de cette rĂ©gion, a donnĂ© des rĂ©sultats positifs. Non seulement les filles ont appris Ă  lire et Ă  Ă©crire, mais elles ont Ă©galement acquis des compĂ©tences sociales essentielles telles que le respect, la solidaritĂ© et la coopĂ©ration. Dans une sociĂ©tĂ© oĂč les filles ne sont souvent pas considĂ©rĂ©es comme des partenaires Ă  part entiĂšre, ces nouvelles compĂ©tences sont rĂ©volutionnaires et ont une signification profonde.

L’impact du programme est Ă©vident dans la transformation du comportement des filles Ă  la maison. Les mĂšres, qui n’envisageaient auparavant qu’un avenir limitĂ© pour leurs filles, sur la base de leurs propres expĂ©riences, sont dĂ©sormais tĂ©moins d’un changement positif. Les filles font preuve de plus de respect envers leurs mĂšres et leurs pĂšres et affichent un sens diffĂ©rent du soutien et de la responsabilitĂ©, contrairement aux rĂŽles traditionnels des genres.

Les parents sont reconnaissants du programme car ils observent des changements significatifs dans l’attitude de leurs filles. L’Ă©ducation va au-delĂ  de la simple lecture et de l’Ă©criture, elle apporte un changement de perspective et symbolise une lueur d’espoir pour la communautĂ©. Sans ce programme, de nombreuses filles auraient Ă©tĂ© contraintes Ă  des mariages prĂ©coces ou envoyĂ©es travailler en Ă©change d’argent.

Cette rĂ©ussite souligne l’importance des projets de soutien communautaire concrets. Lorsque les gens font l’expĂ©rience de changements rĂ©els, ils sont incitĂ©s Ă  s’adapter et Ă  profiter des retombĂ©es positives. Cette approche locale contraste fortement avec les Ă©checs passĂ©s, oĂč la majoritĂ© de la population a Ă©tĂ© nĂ©gligĂ©e par les entitĂ©s gouvernementales et internationales.

Faire preuve d’une attitude positive

Un pĂšre a exprimĂ© son Ă©tonnement face au changement de comportement de sa fille, soulignant sa volontĂ© de l’aider et de s’occuper de lui, un sentiment qu’il n’avait jamais connu auparavant. Cette transformation lui a permis de mieux apprĂ©cier sa fille et de s’engager Ă  lui assurer une Ă©ducation continue, mĂȘme si cela signifie quitter le village pour une ville plus importante.

Une mĂšre, qui ne sait ni lire ni Ă©crire, a fait part de ses observations sur le changement remarquable de sa fille depuis qu’elle assiste aux cours. Elle a relevĂ© la gentillesse de sa fille, la diminution de sa frustration et son sens accru des valeurs humaines. Le simple fait de proposer son aide pour les tĂąches mĂ©nagĂšres a dĂ©bouchĂ© sur un moment intense d’expression d’amour, un sentiment qu’elle n’avait jamais Ă©prouvĂ© auparavant. Ce sentiment d’amour et de respect suscitĂ© par l’un de nos projets a eu un impact profond sur leurs vies.

Ce rĂ©cit rĂ©confortant illustre le pouvoir de l’Ă©ducation et de l’autonomisation pour transformer les vies et apporter de l’espoir aux communautĂ©s marginalisĂ©es, mĂȘme si ce n’est qu’une fille Ă  la fois.

Protéger les enfants de la violence

Plus de 200 enseignants sensibilisés à la prévention de la violence envers les enfants

Depuis 2017, Nai Qala dispense un programme prĂ©scolaire (Ă©cole enfantine). DĂ©butĂ© avec 3 classes, le programme cible actuellement 90 classes touchant prĂšs de 2000 enfants dans 3 provinces. Nai Qala s’assure de la formation des enseignantes et la prise en charge de leur salaire, et Ă©quipe les classes du matĂ©riel adĂ©quat pour accueillir et instruire les enfants. L’association assure un suivi rĂ©gulier des classes et Ă©value le projet tout au long de l’annĂ©e scolaire. L’impact du programme est tangible ; par les compĂ©tences scolaires et sociales acquises, les enfants sont prĂȘts Ă  commencer le cycle primaire, et leurs parents sont plus enclin Ă  les envoyer Ă  l’école.

Au cours des 5 derniÚres années, de nombreuses améliorations ont été amenées au projet. Pendant leur formation initiale et lors des séminaires de mise à niveau, les enseignantes du préscolaire acquiÚrent des compétences en matiÚre de santé, nutrition et hygiÚne et améliorent leurs capacités pédagogiques. La sensibilisation des parents à ces thÚmes fait partie intégrante du cahier des charges des enseignantes.

Le corps enseignant du primaire n’est pas prĂȘt

Le travail en Ă©troite collaboration avec les enseignantes du prĂ©scolaire et les communautĂ©s locales a mis en lumiĂšre des comportements dĂ©lĂ©tĂšres au bien-ĂȘtre des enfants et a incitĂ© Nai Qala Ă  mettre l’accent sur les droits de l’enfant dans la formation des enseignantes. La mise en Ɠuvre du projet a permis d’amĂ©liorer la comprĂ©hension des droits de l’enfant et leur protection au sein des communautĂ©s. Toutefois, l’Ă©valuation du programme prĂ©scolaire a mis en Ă©vidence une lacune importante lorsque les jeunes bĂ©nĂ©ficiaires commencent l’Ă©cole primaire et sont confrontĂ©s Ă  des comportements inadaptĂ©s de la part de leur enseignant.

En Afghanistan, les coups et autres formes d’agression sont souvent considĂ©rĂ©s comme une pratique normale pour discipliner et Ă©duquer les enfants. Le corps enseignant n’est malheureusement pas conscients des effets nĂ©fastes d’une telle violence sur les capacitĂ©s des enfants et sur leur bien-ĂȘtre futur, et ne connaissent pas d’autres mĂ©thodes pour maintenir la discipline et inciter les Ă©lĂšves Ă  Ă©tudier. La croyance selon laquelle « les bonnes maniĂšres ne s’apprennent pas sans coups » est bien ancrĂ©e.

Pour les victimes de violence, l’Ă©cole peut devenir une Ă©preuve plutĂŽt qu’une opportunitĂ©. La promesse et le potentiel de l’Ă©ducation et l’enthousiasme de la dĂ©couverte et de l’apprentissage sont sapĂ©s par la douleur, le traumatisme et la peur. L’expĂ©rience de la violence Ă  l’Ă©cole est une cause de dĂ©crochage scolaire.

Sensibiliser et renforcer les capacités des enseignants

Pour combler les lacunes du corps enseignant, Nai Qala a mis en place un programme de prĂ©vention de la violence. L’association a conviĂ© les instituteurs, les institutrices, et la direction des Ă©coles primaires auxquelles sont rattachĂ©es les classes prĂ©scolaires. Ce sont ainsi plus de 130 enseignants issus d’une soixantaine d’écoles primaires des provinces de Bamyan, Daikundi et Ghazni qui ont participĂ© Ă  une semaine de formation au cĂŽtĂ© des 90 enseignantes des classes prĂ©scolaires de Nai Qala.

Au programme, rafraichissement des connaissances sur le dĂ©veloppement et les besoins de l’enfant, psychologie, introduction Ă  la conduite de classe positive, pĂ©dagogie et mise en place de stratĂ©gies pour prĂ©venir la violence dans les Ă©coles. Les enseignantes du prĂ©scolaire ont Ă©tĂ© des participantes actives, inspirant les enseignants du primaire et partageant leur expĂ©rience.

Le programme de prĂ©vention de la violence s’étend sur l’annĂ©e scolaire et comprend plusieurs modules de formation et un suivi sur site par du personnel formĂ© Ă  cet Ă©gard. Chaque Ă©tablissement primaire a mis en place un plan d’action. AprĂšs quelques semaines, des changements sont concrets. La plupart des Ă©coles ont dĂ©jĂ  sensibilisĂ© les enseignants qui n’étaient pas prĂ©sents lors de la formation Ă  la problĂ©matique. Certains directeurs d’établissement se sont coordonnĂ©s pour dĂ©finir un calendrier en lien avec des objectifs d’apprentissage, une lacune et source de stress pour les enseignants. D’autres Ă©tablissement ont invitĂ© les parents Ă  une sĂ©ance d’information. Des enseignants ont mis en place en place avec leurs Ă©lĂšves une charte de bonne conduite en classe. De façon plus personnelle, nombreux ont Ă©tĂ© les participants qui ont remis en question leur comportement en tant qu’enseignant … et aussi en tant que parent. 

Dans la continuité du programme déjà mis en place depuis quelques années, les enseignantes des classes préscolaires gérées par Nai Qala appliquent la pédagogie positive en classe et incitent les parents à adopter un comportement bienveillant.

Briser les schémas de la violence

Les Ă©coles sont particuliĂšrement bien placĂ©es pour dispenser une Ă©ducation de qualitĂ© et offrir aux enfants la possibilitĂ© de cultiver leur talent crĂ©atif et leur esprit critique, d’acquĂ©rir des compĂ©tences pratiques, de dĂ©velopper leur estime de soi et leurs relations sociales, et de grandir dans la dignitĂ© en tant qu’individus. Les Ă©coles peuvent Ă©galement servir de ressources importantes pour le dĂ©veloppement et la diffusion des valeurs de non-violence, de coopĂ©ration, de tolĂ©rance et de respect, non seulement parmi les Ă©lĂšves et le corps enseignant mais aussi au-delĂ , dans les familles et la communautĂ© au sens large.

L’Ă©ducation dispose d’un potentiel unique pour crĂ©er un environnement oĂč les attitudes tolĂ©rant la violence peuvent ĂȘtre modifiĂ©es et oĂč les comportements non violents peuvent ĂȘtre appris. DĂšs le plus jeune Ăąge, les Ă©coles et les enseignants sont bien placĂ©s pour briser les schĂ©mas de violence et apporter des compĂ©tences en matiĂšre de communication, de nĂ©gociation et de soutien Ă  des solutions pacifiques aux conflits. Les enseignants sont des acteurs respectĂ©s au sein des communautĂ©s et sont habilitĂ©s Ă  transmettre le message aux parents et Ă  l’ensemble de la communautĂ©.

La commission des achats

Quand les brosses Ă  dents sont prĂ©vues pour des mĂąchoires d’élĂ©phants

VoilĂ  dĂ©jĂ  5 ans que nous mettons en place un programme d’éducation prĂ©-primaire auquel nous avons ajoutĂ©, depuis l’annĂ©e derniĂšre, ajoutĂ© un programme de classes communautaires complĂ©tant notre portefeuille de projets Ă©ducatifs. Ces sont donc, au total, une centaine de classes que nous Ă©quipons de matĂ©riel pĂ©dagogique, ludique ou hygiĂ©nique.

Le retour des enseignantes sur le matériel utilisé est primordial.

A chaque rentrĂ©e, nous ajustons et remplaçons le matĂ©riel dĂ©tĂ©riorĂ© et inutilisable, et renouvelons les kits d’hygiĂšne personnel des enfants. Les enseignantes informent les coordinateurs du projet de leurs observations sur le matĂ©riel utilisĂ© pendant l’annĂ©e scolaire. Ainsi certains jeux, jouets, articles de papĂšterie d’importation sont parfois loin de correspondre aux normes de qualitĂ© attendues : une colle ou des stylos qui sĂšchent trop vite, des crayons friables, de la pĂąte Ă  modeler solide, des jouets qui ne survivent pas Ă  quelques jours d’utilisation sont autant de remarques qui nous mettent la puce Ă  l’oreille. 

Le retour des enseignantes sur l’inadĂ©quation de la taille des brosses Ă  dents faisant remarquer qu’elles sont faites pour « des mĂąchoires d’élĂ©phant Â» a aussi fortement remis en question notre façon de faire les achats, ne nous contentant plus de suivre aveuglĂ©ment des listes de matĂ©riel Ă©dictĂ©es par des consortiums impliquĂ©s dans la dissĂ©mination de programmes Ă©ducatifs.

Des tests d’achat dignes des plus grandes organisations de consommateurs

La marque de fabrique de Nai Qala est de mettre en avant des programmes Ă©ducatifs de qualitĂ© avec des solutions locales Ă  bas coĂ»ts, qu’il n’est donc pas forcĂ©ment rĂ©aliste d’associer avec des produits de marques internationales rĂ©putĂ©es. Afin de s’assurer un matĂ©riel adaptĂ©, avec un rapport qualitĂ© prix optimal, Nai Qala a mis en place un systĂšme de test de matĂ©riel complĂ©tant sa politique en matiĂšre d’achats qui requiert de comparer les offres de prix d’au moins trois fournisseur. Ce printemps, en prĂ©vision de la rentrĂ©e des classes, l’équipe du bureau de Nai Qala a testĂ© en bonne et due forme des dizaines de stylos, crayons, gommes, colles et autres articles ; leur faisant subir des tests de durĂ©e et de gravitĂ©, contrĂŽlant le contenu des rĂ©servoirs : combien d’heures d’écriture pour un stylo ? A combien de chocs, un crayon peut-il survivre ? Le pot de colle est-il rempli jusqu’en haut ? Chaque modĂšle a Ă©tĂ© Ă©valuĂ© selon des critĂšres objectifs et seuls les meilleurs ont Ă©tĂ© retenus.

En ce qui concerne la taille des brosses Ă  dents, le responsable des achats a Ă©tĂ© de chargĂ© de l’étude du marchĂ© et de faire tester aux collĂšgues des modĂšles adaptĂ©s. AprĂšs plusieurs jours de test, le modĂšle qui fera son apparition dans les classes a Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ© : une brosse Ă  dent toute simple et solide qui permettra d’atteindre les moindres recoins de la bouche d’un enfant de 6 ans.

Presque tout est disponible sur les marchĂ©s de la capitale de l’Afghanistan, mais pas toujours aux normes de qualitĂ© internationale : un consommateur averti en vaut deux. Les jeunes bĂ©nĂ©ficiaires des programmes Ă©ducatifs de Nai Qala pourront compter sur du matĂ©riel adaptĂ© Ă  leur utilisation.

Inauguration de l’école de Dou Aab

Une 12Ăšme Ă©cole pour les communautĂ©s rurales reculĂ©es

Lorsque nous avons visitĂ© le village de Dou Aab pour la premiĂšre fois, en 2016, nous avons Ă©tĂ© frappĂ©s par les conditions d’apprentissage des Ă©lĂšves et le dĂ©nuement extrĂȘme de la rĂ©gion. L’école de Dou Aab, un Ă©tablissement primaire accueillant les enfants jusqu’à la 9Ăšme annĂ©e, des filles et garçons ĂągĂ©s de 7 Ă  16 ans, ne disposait pas de bĂątiment en dur. Les cours Ă©taient dispensĂ©s en plein air, parfois sous des tentes dĂ©chirĂ©es, et ne pouvaient avoir lieu en cas de mauvais temps. Les Ă©lĂšves Ă©taient la plupart du temps assis Ă  mĂȘme le sol, sous le soleil ou parfois dans la neige, comme c’est souvent le cas dans les projets pour lesquels l’association Nai Qala s’engage. Sans surprise, ces mauvaises conditions compliquaient considĂ©rablement l’achĂšvement du programme annuel et se traduisaient par un taux Ă©levĂ© de dĂ©crochage scolaire. 

Bien que, depuis notre premiĂšre visite dans le village, une organisation a fourni des structures provisoires en plastique, le manque de motivation des enseignants et le dĂ©sintĂ©rĂȘt des parents pour l’éducation restent malheureusement une rĂ©alitĂ©. L’absence d’un vĂ©ritable bĂątiment est interprĂ©tĂ©e par la population comme un abandon par l’état et la communautĂ© internationale, ce qui la pousse Ă  chercher des opportunitĂ©s Ă©conomiques en dehors du village. 

Dans sa mission d’offrir des conditions d’apprentissage dignes aux enfants des rĂ©gions rurales dĂ©favorisĂ©es du centre de l’Afghanistan, l’association Nai Qala s’est lancĂ©e dans la construction de son 12Ăšme bĂątiment scolaire. L’Association s’est assurĂ©e de la sĂ©lection du terrain de la future construction en consultation avec le conseil des anciens du village, du transfert de propriĂ©tĂ©, de la mise en adjudication de la construction auprĂšs d’entreprises locales et a signĂ© un protocole d’accord avec le ministĂšre de l’éducation assurant l’inclusion de l’école dans son portefeuille. 

Le chantier a dĂ©marrĂ© en mai 2022 et, bĂ©nĂ©ficiant d’une mĂ©tĂ©o clĂ©mente, s’est terminĂ© en octobre 2022. Les murs du bĂątiment sont construits avec les pierres des montagnes environnantes ; le sable et le gravier utilisĂ©s pour la maçonnerie proviennent des riviĂšres toutes proches. L’entreprise de construction a engagĂ© des hommes du village, offrant ainsi Ă  des dizaines de familles un revenu bienvenu dans une rĂ©gion oĂč les opportunitĂ©s Ă©conomiques sont rares.

InstallĂ© au pied de la montagne, le bĂątiment est visible de loin : c’est une Ă©cole comprenant 6 salles de classes, 1 salle pour les enseignants, 1 salle multi-usage servant de bibliothĂšque et de salle d’informatique, le tout Ă©quipĂ© du mobilier nĂ©cessaire. La construction est complĂ©tĂ©e par un bloc sanitaire avec accĂšs Ă  l’eau courante, un terrain de sport extĂ©rieur pour la pratique du volley-ball, et d’un mur d’enceinte.

Une joyeuse cĂ©rĂ©monie rĂ©unissant les Ă©coliers, les villageois et les autoritĂ©s locales a clos le projet. Les jeunes Ă©lĂšves de 5 classes du programme prĂ©scolaire de Nai Qala se sont joint Ă  la fĂȘte et ont dĂ©couvert l’école qui les accueillera au printemps. L’inauguration du nouveau bĂątiment fut l’occasion de remettre officiellement les clĂ©s de l’école au directeur de l’établissement et Ă  la communautĂ© pour le plus grand plaisir des 540 bĂ©nĂ©ficiaires actuels et des futures gĂ©nĂ©rations d’écoliers de Dou Aab.

Quand les enfants ne peuvent pas aller Ă  l’Ă©cole, l’Ă©ducation vient Ă  eux

L’Ă©ducation Ă  base communautaire (EBC) permet aux enfants d’Ăąge scolaire de recevoir une Ă©ducation, mĂȘme lorsque les Ă©coles sont difficiles Ă  atteindre. 

Des millions d’enfants ne sont pas scolarisĂ©s en Afghanistan ; beaucoup vivent dans des zones difficiles d’accĂšs oĂč il n’y a pas d’Ă©cole formelle ou dans lesquelles l’Ă©cole la plus proche n’est pas accessible Ă  pied. Terminer l’Ă©cole primaire est un dĂ©fi, surtout dans les zones rurales et pour les filles, malgrĂ© quelques progrĂšs rĂ©cents dans la scolarisation. La pĂ©nurie d’Ă©coles et l’absence de moyens de transport sont les principaux obstacles Ă  l’Ă©ducation. Les barriĂšres gĂ©ographiques, en particulier dans les zones montagneuses, compliquent l’accĂšs des enfants Ă  la salle de classe : une longue marche vers l’Ă©cole implique que moins d’enfants s’y rendent.

Pour les enfants des zones isolĂ©es en Ăąge de frĂ©quenter l’Ă©cole primaire, de la premiĂšre Ă  la sixiĂšme annĂ©e, le ministĂšre de l’Ă©ducation a mis en place un enseignement alternatif dans des bĂątiments communautaires ou des maisons privĂ©es, avec un enseignant issu de la communautĂ© locale. L’Ă©ducation communautaire a une longue histoire en Afghanistan, qui remonte aux « écoles de village » soutenues par le gouvernement dans les annĂ©es 1970, lorsque les villages Ă©taient trop dissĂ©minĂ©s ou que leur population Ă©tait infĂ©rieure au seuil de scolarisation primaire. Aujourd’hui, bien que la plupart de ces classes communautaires soient soutenues par des ONG, le ministĂšre de l’Ă©ducation s’est engagĂ© Ă  soutenir cette Ă©ducation non formelle et reconnaĂźt officiellement les classes communautaires comme un service de proximitĂ© au sein du systĂšme Ă©ducatif national.

En Afghanistan, l’EBC s’est avĂ©rĂ©e ĂȘtre une approche efficace pour atteindre les enfants non scolarisĂ©s, en particulier les filles.

L’Ă©ducation avec une infrastructure minimale et flexible

Les villageois fournissent une salle de classe, une grande piĂšce dans une maison privĂ©e, un bĂątiment communautaire ou une mosquĂ©e, et dĂ©signent des enseignants potentiels au sein de la communautĂ©. Les organisations d’aide forment les enseignants, paient leurs salaires et fournissent les manuels scolaires approuvĂ©s par le gouvernement ainsi que les petites fournitures. Le gouvernement intĂšgre les classes communautaires dans le systĂšme Ă©ducatif plus large et certifie les enseignants. Chaque centre communautaire dessert le village dans lequel il est situĂ© ; l’Ă©ducation communautaire est rĂ©partie sur plusieurs sites, ce qui rend la frĂ©quentation plus pratique pour les enfants vivant dans des rĂ©gions Ă©loignĂ©es. 

Ces programmes communautaires sont faciles Ă  mettre en place et relativement bon marchĂ© : pas besoin d’infrastructures complexes, les enseignants appartiennent Ă  la communautĂ©. Lorsque l’accĂšs Ă  l’Ă©cole primaire est un dĂ©fi, les enfants ont la possibilitĂ© de recevoir une Ă©ducation de base et d’intĂ©grer les Ă©coles formelles lorsqu’ils sont assez ĂągĂ©s et suffisamment sĂ»rs pour marcher. L’EBC donne aux communautĂ©s l’occasion de dĂ©velopper un sentiment d’appartenance. Les parents sont de solides partenaires, ils peuvent se rendre rĂ©guliĂšrement dans les classes, vĂ©rifier l’assiduitĂ© et observer les cours. 

L’association Nai Qala comble des lacunes en matiĂšre d’éducation dans les communautĂ©s isolĂ©es. 

En construisant des Ă©coles et en gĂ©rant des programmes prĂ©scolaires dans des zones mal desservies des rĂ©gions montagneuses du centre de l’Afghanistan, Nai Qala a pu observer le manque d’installations scolaires formelles et la forte proportion d’enfants non scolarisĂ©s. Lors du suivi du programme prĂ©scolaire en place, le personnel de l’association a dĂ©couvert que dans certains villages, les enfants n’Ă©taient tout simplement pas inscrits Ă  l’Ă©cole primaire. En effet, les distances Ă  parcourir pour se rendre Ă  l’Ă©cole peuvent ĂȘtre longues et empĂȘcher les enfants et/ou les filles les plus jeunes d’assister Ă  une classe formelle. Lorsque les enfants grandissent et sont physiquement capables de rejoindre une Ă©cole, ils sont alors trop ĂągĂ©s pour ĂȘtre inscrits dans le systĂšme Ă©ducatif formel.

La vision de l’association Nai Qala’s est de fournir un paquet complet d’Ă©ducation dans les rĂ©gions rurales Ă©loignĂ©es, de l’Ăąge prĂ©-primaire jusqu’Ă  l’accĂšs Ă  l’Ă©ducation supĂ©rieure avec un programme prĂ©scolaire, la construction de bĂątiments scolaires, et des classes de soutien scolaire. Pour combler les lacunes, l’association Nai Qala pilote un projet d’EBC dans 10 villages, depuis septembre 2022, dans le prolongement de son programme prĂ©scolaire. Les classes sont situĂ©es dans les provinces de Bamyan, Daikundi et Ghazni, dans des villages reculĂ©s oĂč l’association gĂšre une Ă©cole maternelle, afin de s’assurer que tous les enfants rĂ©alisent leur droit Ă  l’Ă©ducation.

AprĂšs avoir recrutĂ© des enseignants rĂ©pondant aux critĂšres fixĂ©s par le gouvernement, l’association Nai Qala a formĂ© 8 femmes et 2 hommes, avec le soutien du rĂ©seau de dĂ©veloppement Aga Khan (AKDN). AprĂšs la formation, les enseignants sont retournĂ©s dans leurs villages et supervisent une trentaine d’enfants, ĂągĂ©s de 7 Ă  8 ans (parfois jusqu’Ă  13 ans) pendant une annĂ©e scolaire intense. Avec le soutien de l’AKDN, Nai Qala a fourni Ă  chaque communautĂ© un tableau noir, de la moquette, de la papeterie, des cahiers et des manuels scolaires afin que chacun soit Ă©quipĂ© pour suivre la classe. De plus, les employĂ©s de Nai Qala assurent un suivi de chaque classe, mettant Ă  profit l’Ă©quipe prĂ©scolaire en place.

Une premiĂšre visite de suivi dans la province de Ghazni a confirmĂ© que le besoin de ces classes est Ă©norme. En effet, le jour oĂč le projet a dĂ©marrĂ©, plus de 80 filles Ă©taient impatientes de pouvoir s’inscrire, mais comme les capacitĂ©s de l’organisation sont limitĂ©es Ă  35 Ă©lĂšves, plus de 45 filles ont Ă©tĂ© laissĂ©es en pleurs, déçues et avec un sentiment d’exclusion, tandis que leurs pĂšres exprimaient aussi leur tristesse. Ces villages reculĂ©s n’ont jamais bĂ©nĂ©ficiĂ© d’un soutien extĂ©rieur ; l’Ă©ducation des filles fait dĂ©faut ; la mortalitĂ© infantile et maternelle est Ă©levĂ©e…

L’Ă©ducation communautaire ouvre l’horizon, le cƓur et l’esprit Ă  l’apprentissage dans les conditions les plus difficiles. Cette annĂ©e, plus de 300 enfants bĂ©nĂ©ficient du projet d’Ă©ducation communautaire de l’Association Nai Qala.

La relativité du temps

Les communautĂ©s isolĂ©es du centre montagneux de l’Afghanistan ont un sens du temps qui est trĂšs relatif.

Qu’est-ce que le temps ? Dans les sociĂ©tĂ©s occidentales et occidentalisĂ©es, le temps est ce que mesure une horloge. De la prime jeunesse Ă  la vieillesse, le quotidien est rempli d’engagements et de rendez-vous liĂ©s au temps ; la vie ordinaire est rĂ©gie par l’assiduitĂ© requise pour l’Ă©cole, les Ă©tudes ou le travail, les sports, les activitĂ©s artistiques, les loisirs, les Ă©vĂ©nements sociaux. On ne peut penser aux jours, aux mois ou aux annĂ©es sans une dĂ©finition trĂšs carrĂ©e du temps.

Dans les rĂ©gions montagneuses du centre de l’Afghanistan, le temps est une rĂ©alitĂ© diffĂ©rente. Le rythme du soleil, les cycles de la lune, la succession des saisons, les besoins du bĂ©tail ou des champs, les appels Ă  la priĂšre rythment la vie. Mais le temps devient complexe Ă  gĂ©rer lorsque l’Ă©cole maternelle arrive dans ces rĂ©gions reculĂ©es.

Les classes prĂ©scolaires ont lieu les jours de semaine avec un horaire rĂ©gulier. Les enfants sont censĂ©s arriver quelques minutes avant le dĂ©but de la classe. Les enseignantes sont toujours prĂ©sentes au moins 30 minutes avant le dĂ©but de la leçon, s’assurant que tout est prĂȘt pour accueillir leurs jeunes Ă©lĂšves. Cependant, l’enseignante est souvent surprise de voir des enfants attendre devant la porte bien avant son arrivĂ©e en classe. De mĂȘme, il n’est pas rare que les enfants rejoignent la classe juste avant la fin du cours ou qu’ils s’endorment pendant le cours.

Passer des horloges à cadran sophistiquées aux horloges en carton faites à la main

Les salles de classe sont gĂ©nĂ©ralement Ă©quipĂ©es d’horloges Ă  cadran ; elles sont habituellement accrochĂ©es tout en haut du mur, juste en dessous du plafond, comme une dĂ©coration intouchable pour les enfants. Ces horloges aident les enseignantes Ă  organiser leur journĂ©e de travail puisque leur propre montre est surtout utilisĂ©e comme un accessoire de mode en l’absence d’une pile en Ă©tat de fonctionner ; les horloges Ă  cadran servent Ă©galement de support abstrait aux enfants pour apprendre Ă  lire l’heure, ce qu’ils font avec beaucoup d’attention : ils peuvent dire avec prĂ©cision « Il est neuf heures et demie », « Il est trois heures moins le quart », mais lorsqu’on leur demande Ă  quelle heure ils sont censĂ©s se prĂ©parer pour l’Ă©cole, ils rĂ©pondent gĂ©nĂ©ralement « Quand le soleil se lĂšve » ; il n’y a aucun lien avec l’horloge.

Lorsqu’elles ont Ă©valuĂ© l’Ă©quipement le plus et le moins utile dans la classe, les coordinatrices prĂ©scolaires ont rĂ©pondu Ă  l’unanimitĂ© l’horloge Ă  cadran. 

Les classes prĂ©scolaires qui ont rĂ©cemment ouvert leurs portes n’ont plus de cadran Ă  piles, mais de jolies horloges en carton fabriquĂ©es par les enseignants. Les enfants peuvent les toucher et jouer avec, sans craindre de les casser. La lecture de l’heure est enseignĂ©e d’une maniĂšre plus pratique, en reliant le temps aux activitĂ©s de la vie quotidienne. Les enfants chantent une comptine qui dĂ©crit les diffĂ©rents moments de leur routine quotidienne et qu’ils peuvent associer au temps : « Je me rĂ©veille, je me lave le visage et je demande du thĂ© Ă  ma mĂšre et aprĂšs je me prĂ©pare et je vais en classe… » Les enseignantes donnent de la vie et du sens au temps en liant l’horloge et le temps des repas afin que les enfants soient capables de rĂ©clamer de la nourriture Ă  leurs parents trop occupĂ©s. Les enfants sont plus sensibles au temps pour leur discipline quotidienne. En d’autres termes, les enseignants donnent de la « vie » et du sens Ă  l’heure.

Les parents sont informĂ©s par leurs enfants et les enseignantes de l’horaire de l’Ă©cole maternelle, ou du moment oĂč les enfants doivent se rĂ©veiller ou se prĂ©parer pour l’Ă©cole. La plupart des parents possĂšdent un tĂ©lĂ©phone portable avec une horloge et ils sont sensibilisĂ©s par leurs enfants Ă  utiliser l’heure de maniĂšre appropriĂ©e. D’ailleurs, ils ne rĂ©veillent plus leurs enfants des heures avant de partir pour l’Ă©cole, les enfants s’endorment moins souvent pendant les cours et sont prĂȘts pour le dĂ©but de la classe. Les enfants rappellent gentiment Ă  leur mĂšre qu’il est l’heure d’aller chercher Ă  manger afin que les parents toujours occupĂ©s n’oublient pas de les nourrir comme c’est souvent le cas. 

L’installation d’horloges en carton dans la classe a apportĂ© une discipline utile pour une vie saine, au-delĂ  de toute attente.

Stabilité dans la tourmente

Alors que les nouvelles parvenant d’Afghanistan Ă©taient plutĂŽt alarmantes vues de l’occident, Nai Qala poursuivait ses actions sur le terrain de façon presque routiniĂšre. 

AprĂšs presque quatre mois de changement politique et du dĂ©part de la communautĂ© internationale, quels sont les impacts pour Nai Qala ?

Construction de bĂątiments scolaires

La veille du renversement du gouvernement en place Ă  Kaboul, Nai Qala marquait, tranquillement, la fin des travaux de l’école pour filles que l’association avait dĂ©butĂ© en septembre de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente.  La petite cĂ©rĂ©monie de clĂŽture se dĂ©roula en prĂ©sence des autoritĂ©s locales et des futures bĂ©nĂ©ficiaires qui Ă©taient Ă  ce moment-lĂ  en pĂ©riode de vacances forcĂ©es pour cause de … pandĂ©mie. 

AprĂšs quelques semaines d’hĂ©sitation, les filles purent prendre possession des lieux alors que les autoritĂ©s provinciales levaient l’interdiction qui avait Ă©tĂ© faite aux plus grandes d’entre elles d’étudier. Nai Qala profitait de la fermeture des Ă©coles pour entreprendre des travaux de rĂ©novations sur l’ancienne Ă©cole du village afin de prĂ©venir les infiltrations d’eau liĂ©es aux dures conditions hivernales prĂ©valant dans la rĂ©gion. La nouvelle Ă©cole et son ainĂ©e rĂ©novĂ©e furent inaugurĂ©es mi-novembre devant un parterre constituĂ© de centaines de filles, des reprĂ©sentants de la communautĂ© locale et des nouvelles autoritĂ©s provinciales. Les clĂ©s du nouveau bĂątiment furent officiellement remises Ă  la communautĂ©. 

Et du cĂŽtĂ© du programme d’éducation prĂ©scolaire ?

Nai Qala gĂšre un programme d’éducation prĂ©scolaire dans les provinces de Bamyan et de Daikundi. Les enfants, les 65 enseignantes, le personnel d’accompagnement et les communautĂ©s locales ont, lĂ  aussi, eu plus de difficultĂ©s Ă  gĂ©rer les fermetures temporaires des classes due au Covid, et promulguĂ©es par le gouvernement central, que de s’inquiĂ©ter d’un changement politique. Les rĂ©gions montagneuses du centre de l’Afghanistan oĂč Nai Qala opĂšre ont Ă©tĂ© largement ignorĂ©es par les gouvernements successifs de Kaboul au cours des 20 derniĂšres annĂ©es ; les populations rurales subissant une pauvretĂ© extrĂȘme ne se sentent pas concernĂ©es par la politique : leur prioritĂ© est depuis toujours de nourrir leur famille. Bien sĂ»r quelques enseignantes se sont posĂ© la question de la pĂ©rennitĂ© de leur activitĂ© sous le nouveau rĂ©gime. Aucune interdiction formelle de travailler ne leur a Ă©tĂ© notifiĂ©e et elles ont pu continuer Ă  enseigner pour le plus grand plaisir des jeunes Ă©lĂšves. Comme tous les projets initiĂ©s par Nai Qala, le programme d’éducation prĂ©scolaire est dĂ©fini, mis en place et activĂ© en collaboration avec les communautĂ©s locales qui se l’approprient.

 
Quid des nouvelles autoritĂ©s ?

Depuis toujours, Nai Qala a engagĂ© des discussions avec les autoritĂ©s en place. Tous les projets sont systĂ©matiquement approuvĂ©s par le ministĂšre de l’éducation et le nouveau rĂ©gime ne fait pas exception. Nai Qala a mĂȘme eu l’occasion de recevoir un des tous premiers protocoles d’accord signĂ© par le ministre de l’Éducation. Les autoritĂ©s provinciales de Bamyan et Daikundi donnent des signaux favorables pour la poursuite des activitĂ©s Ă©ducatives pour tous, en autorisant par exemple filles et garçons Ă  Ă©tudier, quel que soit leur Ăąge.

Un avenir envisagé sereinement

Depuis le dĂ©but, Nai Qala a dĂ©veloppĂ© une approche basĂ©e sur l’engagement des communautĂ©s. Les autoritĂ©s locales et la population sont toujours incluses dans la dĂ©finition des projets, ce qui les encourage Ă  se sentir reconnues, respectĂ©es et impliquĂ©es. La fiertĂ© des populations Ă  participer Ă  l’élaboration et la mise en Ɠuvre des projets explique pourquoi la douzaine d’écoles et le dispensaire que nous avons construits sont toujours en fonction et sont maintenus en bonnes conditions. Les autoritĂ©s locales et la population se sont appropriĂ© les projets et protĂšgent ce que Nai Qala a rĂ©alisĂ© et construit avec le soutien des donateurs. Les populations locales vont continuer Ă  protĂ©ger les constructions et les projets dans cette nouvelle phase aussi. Bien qu’extrĂȘmement pauvres et souvent illettrĂ©es, ces communautĂ©s sont profondĂ©ment engagĂ©es pour l’éducation de leurs filles et garçons. 

À la suite de changements politiques, un petit moment d’observation est toujours nĂ©cessaire, mais rien ne changera la position des communautĂ©s engagĂ©es dans les projets de l’Association. L’Association maintient le cap et poursuit ses activitĂ©s auprĂšs des populations dĂ©favorisĂ©es. Nous ne comptons pas nous arrĂȘter sur le succĂšs des derniĂšres constructions : nous nous sommes engagĂ©s rĂ©cemment Ă  bĂątir une nouvelle Ă©cole dans un village encore plus retirĂ©, dans le district de Yakawlang. Les travaux devraient dĂ©buter Ă  la fin de l’hiver, lorsque la mĂ©tĂ©o sera plus clĂ©mente. CĂŽtĂ© Ă©ducation prĂ©scolaire, nous sommes Ă  la veille des vacances d’hiver. Avant la reprise des cours, au printemps, les 65 enseignantes des classes prĂ©scolaires et certains de leurs collĂšgues du primaire prendront part Ă  un sĂ©minaire pĂ©dagogique organisĂ© pour renforcer leurs compĂ©tences. 

Des invités trÚs spéciaux sur le terrain

Pour la premiĂšre fois dans l’histoire de Nai Qala, un bailleur de fonds visite un de nos projets.

Depuis 2007, Nai Qala met en Ɠuvre des projets dans des rĂ©gions reculĂ©es du centre de l’Afghanistan. Depuis notre tout premier projet, la construction d’une Ă©cole dans le village de Nai Qala, des centaines de donateurs, petits ou grands, ont effectuĂ© des dons pour soutenir notre travail et faire la diffĂ©rence auprĂšs des communautĂ©s dĂ©laissĂ©es. En juin 2021, pour la premiĂšre fois, l’un de nos partenaires les plus importants, l’Agence suisse de dĂ©veloppement et de coopĂ©ration (DDC), a visitĂ© certains de nos projets dans les rĂ©gions reculĂ©es du centre de l’Afghanistan.  

Un donateur prĂȘt Ă  se rendre sur le terrain

La Suisse s’engage Ă  amĂ©liorer l’accĂšs de tous Ă  une Ă©ducation de base de qualitĂ© en Afghanistan et est le partenaire principal du projet prĂ©scolaire de Nai Qala ; ce programme contribue Ă  prĂ©parer les enfants Ă  l’Ă©cole primaire, augmentant ainsi considĂ©rablement leurs chances de rĂ©ussite et rĂ©duisant le risque de dĂ©crochage scolaire. Depuis un peu plus d’une annĂ©e, la coopĂ©ration suisse au dĂ©veloppement soutient notre projet d’Ă©ducation prĂ©scolaire dans la province de Daikundi et dans certaines des rĂ©gions les plus reculĂ©es de la province de Bamyan, oĂč de nombreux garçons et filles ne sont pas scolarisĂ©s. 

Au dĂ©but de l’annĂ©e 2021, Nai Qala a fait une prĂ©sentation Ă  la DDC sur les projets qu’elle soutient. La DDC a Ă©tĂ© positivement impressionnĂ©e par l’impact et l’importance de son soutien aux enfants, aux parents et aux communautĂ©s rurales. Elle a exprimĂ© son profond dĂ©sir et son intĂ©rĂȘt Ă  effectuer une visite sur le terrain et Ă  voir de ses propres yeux les rĂ©sultats des projets de l’association Nai Qala. TrĂšs honorĂ© par la confiance et l’engagement de ses partenaires, Nai Qala a acceptĂ© le dĂ©fi et a organisĂ© une visite du projet pour 3 membres de l’Ă©quipe de la DDC Ă  Kaboul.

Visite de classes préscolaires dans la province de Bamyan

A la fin du mois de juin, Nai Qala a emmenĂ© l’Ă©quipe de la DDC pour une visite de villages du district de Yakawlang oĂč le projet est implĂ©mentĂ©. L’objectif principal de la visite Ă©tait le suivi du projet prĂ©scolaire mis en Ɠuvre dans la province de Bamyan. La dĂ©lĂ©gation a visitĂ© deux classes et a rencontrĂ© des enseignants et des parents. Ils ont eu l’occasion de constater les changements apportĂ©s par le programme prĂ©scolaire tant chez les enfants que dans les communautĂ©s. En effet, tous ont Ă©tĂ© trĂšs impressionnĂ©s :

« Lorsque nous avons visitĂ© les classes prĂ©-primaires gĂ©rĂ©es par l’association Nai Qala […], nous avons Ă©tĂ© impressionnĂ©s de voir les compĂ©tences sociales que les enfants avaient dĂ©veloppĂ©es. Un pĂšre plein de fiertĂ© nous a dit que sa fille comptait mieux que son frĂšre aĂźnĂ©, qui est dĂ©jĂ  Ă  l’Ă©cole primaire. Tous les parents nous ont dit que leurs enfants sont plus concentrĂ©s, plus respectueux envers les aĂźnĂ©s et qu’ils font preuve d’une meilleure hygiĂšne personnelle et de meilleures maniĂšres Ă  table depuis qu’ils ont commencĂ© Ă  suivre les cours. Cela leur donne de bien meilleures chances de rĂ©ussir Ă  l’Ă©cole et, venant de communautĂ©s souvent nĂ©gligĂ©es, ces enfants ont besoin de tous les avantages qu’ils peuvent obtenir ».

Un sentiment de fierté

La prĂ©sence de la dĂ©lĂ©gation de la DDC a fait la fiertĂ© des communautĂ©s, car peu d’Ă©trangers prennent le temps et le risque de se rendre chez elles. Elles n’auraient jamais imaginĂ© avoir des hĂŽtes d’une telle qualitĂ©, s’intĂ©ressant de surcroit Ă  l’Ă©ducation de leurs enfants. Les gens ont besoin d’inspiration et cette visite a permis Ă  ces communautĂ©s d’en trouver.

Tout aussi important, l’Ă©quipe de la DDC a fait aussi la fiertĂ© de Nai Qala, car cette visite sur le terrain n’avait pas pour seul but d’examiner oĂč et comment les financements de la Suisse sont dĂ©pensĂ©s, mais aussi de se rendre compte dans quelles conditions l’association Nai Qala travaille et du niveau d’engagement requis pour s’assurer que nous atteignons chaque enfant pour lui fournir une Ă©ducation de base. Cette expĂ©rience restera une source d’inspiration et de motivation importante. Elle nous a donnĂ© un vĂ©ritable Ă©lan de confiance.

Extension de nos activités à la province de Daikundi

L’expansion de notre programme prĂ©scolaire nous a conduit dans une troisiĂšme province en pleine Ă©volution.

En 2017, Nai Qala a commencĂ© son programme prĂ©scolaire dans la province de Ghazni et suite Ă  son succĂšs, Nai Qala a poursuivi son expansion d’abord dans la province de Bamyan en 2019, puis au printemps 2021 dans la province de Daikundi. Au total, Nai Qala gĂšre actuellement 65 classes prĂ©scolaires dans 3 provinces.

Une population jeune Ă  la recherche d’opportunitĂ©s de dĂ©veloppement

Daikundi est une nouvelle province, crĂ©Ă©e Ă  partir des districts du nord de la province d’Oruzgan qui font partie Ă  l’origine de la rĂ©gion ethnique hazara. La province de Daikundi est bordĂ©e, Ă  l’est, par les provinces de Bamyan et Ghazni, oĂč nous sommes dĂ©jĂ  prĂ©sents.

Daikundi, en tant que rĂ©gion, a historiquement souffert d’une profonde pauvretĂ© rĂ©sultant d’une situation gĂ©ographique extrĂȘmement difficile et de la duretĂ© de la rĂ©gion montagneuse, qui a maintenu ses habitants isolĂ©s et exclus de la plupart des initiatives de dĂ©veloppement. La rudesse de la rĂ©gion a crĂ©Ă© une forte cohĂ©sion sociale parmi ses habitants, ce qui a fait de Daikundi l’une des provinces les plus stables d’Afghanistan.

Une enquĂȘte socio-Ă©conomique a rĂ©vĂ©lĂ© que la moitiĂ© de la population de la province est ĂągĂ©e de 15 ans ou moins, les jeunes de 15 Ă  24 ans reprĂ©sentant 20,6 % de la population de la province, ce qui implique une structure d’Ăąge trĂšs jeune. Cela confirme le fait que l’indice synthĂ©tique de fĂ©conditĂ© enregistrĂ© dans la province est Ă©levĂ©, avec plus de 7 enfants par femme.

Les principales sources de revenus Ă  Daikundi sont l’agriculture et la migration de la main-d’Ɠuvre, principalement en Iran. La culture des amandiers reprĂ©sente depuis peu un nouvel espoir, en apportant un certain revenu, en tant que premiĂšre culture de rente, et en offrant Ă  la population un meilleur horizon et quelques perspectives d’avenir.

La partie centrale de la province et la rĂ©gion entourant la capitale provinciale, Nili, abritent de nombreuses personnes dĂ©placĂ©es Ă  l’intĂ©rieur du pays qui ont quittĂ© une vie difficile dans les montagnes oĂč la terre est stĂ©rile et inaccessible, souvent avec un manque d’eau persistant, Ă  la recherche d’opportunitĂ©s et d’une vie meilleure. En plus de ces personnes dĂ©placĂ©es Ă  l’intĂ©rieur du pays, de nombreux rapatriĂ©s de l’Ă©tranger s’installent maintenant et recommencent leur vie dans la rĂ©gion.

Notre programme préscolaire répondra aux besoins de cette nouvelle population montante

Au printemps de cette annĂ©e, nous avons ouvert 20 classes prĂ©scolaires dans les environs de Nili. Nos jeunes bĂ©nĂ©ficiaires sont pour la plupart issus de familles dĂ©placĂ©es Ă  l’intĂ©rieur du pays et vivent en dessous du seuil de pauvretĂ©. L’une de nos classes est situĂ©e dans une communautĂ© composĂ©e principalement d’anciens rĂ©fugiĂ©s revenus de l’Ă©tranger. L’inclusion des enfants rĂ©fugiĂ©s dans un programme prĂ©scolaire est trĂšs importante pour l’association Nai Qala. En effet, la vie d’un rĂ©fugiĂ© est dure, il est constamment exclu, mais le retour au pays est Ă©galement difficile, car la rĂ©installation ne se fait pas forcĂ©ment dans la ville d’origine, et la vie doit repartir de zĂ©ro.

Nos classes prĂ©scolaires accueillent Ă©galement un grand nombre d’enfants orphelins. Comme Daikundi est une province trĂšs pauvre et que trĂšs peu d’attention a Ă©tĂ© accordĂ©e au dĂ©veloppement, un nombre considĂ©rable d’hommes sont partis Ă  la recherche de travail. PoussĂ©s par la pauvretĂ©, beaucoup d’entre eux ont Ă©tĂ© recrutĂ©s dans l’armĂ©e et ont combattu sur la ligne de front, mais peu sont rentrĂ©s chez eux. Les enfants sans pĂšre souffrent souvent d’exclusion et, dans la plupart des cas, sont mĂȘme abandonnĂ©s par leur mĂšre lorsqu’elle se remarie.

Le programme prĂ©scolaire de la province de Daikundi cible une nouvelle population montante au sein d’une sociĂ©tĂ© dynamique et en pleine mutation. Les gens viennent de s’installer ou s’installent dans la rĂ©gion de Nili, ce qui rend notre investissement susceptible d’ĂȘtre durable Ă  plus long terme. Nous pensons que nous pouvons donner de l’espoir aux enfants et Ă  leurs familles grĂące Ă  un programme prĂ©scolaire. Nous devons Ă©galement garder Ă  l’esprit que Daikundi n’est pas une province prospĂšre offrant de nombreuses opportunitĂ©s et dĂ©veloppements. Comme de nombreuses communautĂ©s en Afghanistan, les communautĂ©s de Daikundi traversent un chemin difficile. Nous sommes particuliĂšrement fiers d’offrir une chance de donner un avenir prometteur Ă  leurs enfants.

Nous avons Ă©tĂ© trĂšs heureux d’inaugurer notre projet d’Ă©ducation prĂ©scolaire Ă  Daikundi et de commencer Ă  investir dans l’avenir de ses enfants. Nous nous rĂ©jouissons d’accompagner cette communautĂ© courageuse, de nous en inspirer et de mettre en Ɠuvre ensemble des initiatives importantes pour contribuer au changement de cette sociĂ©tĂ©.

L’impact de l’Ă©cole maternelle sur l’hygiĂšne dans la famille

Chaque annĂ©e, des milliers de dĂ©cĂšs d’enfants en Afghanistan pourraient ĂȘtre Ă©vitĂ©s en utilisant des toilettes et en se lavant les mains. C’est la raison pour laquelle plusieurs ONG dĂ©pensent des millions de dollars pour installer des latrines dans tout le pays.

Certains villages dans les zones que nous gĂ©rons ont Ă©tĂ© Ă©quipĂ©s de toilettes toutes neuves mais celles-ci sont restĂ©es dĂ©sespĂ©rĂ©ment inutilisĂ©es. Les gens ont l’habitude d’aller aux toilettes en plein air, bien qu’ils soient susceptibles de tomber malades Ă  cause de maladies liĂ©es Ă  l’hygiĂšne et qu’ils risquent d’ĂȘtre attaquĂ©s par des animaux, surtout la nuit. La culture des toilettes n’a pas encore atteint le stade de l’habitude, mais cela est en train de changer.

GrĂące Ă  notre programme prĂ©scolaire et Ă  quelques trĂšs jeunes ambassadeurs, ces toilettes sont maintenant utilisĂ©es ! Marzya, mĂšre de Maria, 5 ans, dit « ma fille, depuis qu’elle frĂ©quente l’Ă©cole maternelle, insiste pour utiliser les toilettes et fait des commentaires sur ses parents, sur l’indĂ©cence qu’il peut y avoir Ă  sortir pour aller aux toilettes Ă  cĂŽtĂ© de la maison. Elle nous a tous mis sous pression morale, y compris nos voisins… de sorte que nous ne pouvons pas imaginer notre vie sans latrines ». Aqella, une autre mĂšre, commente : « Fatima, 6 ans, est une de mes 6 enfants. Elle utilise les toilettes et considĂšre qu’aller aux toilettes fait partie de sa dignitĂ©. Elle met aussi la pression sur toute la famille ! Maintenant, les toilettes font partie de nos habitudes et nous sommes mĂȘme gĂȘnĂ©s de voir Ă  quel point nous nous sommes soulagĂ©s juste en Ă©tant assis dehors, devant notre maison ».

Le programme prĂ©scolaire de Nai Qala enseigne les rĂšgles d’hygiĂšne de base telles que le lavage des mains, le brossage des dents et l’utilisation des installations sanitaires. GrĂące Ă  ces habitudes simples, la dignitĂ© est restaurĂ©e puisque toute la famille peut utiliser les toilettes et ne doit plus s’accroupir Ă  l’extĂ©rieur.