Par Véronique R., membre fondatrice et membre du comité de l’Association Nai Qala
Cet été, j’ai traversé l’Afghanistan, suivant les pistes poussiéreuses de Kaboul jusqu’aux hautes vallées de Bamyan, Daikundi et Ghazni. Le voyage fut long : des heures de route de montagne, d’innombrables checkpoints, des retards imprévus. Mais ce que j’ai découvert au bout de chaque chemin valait chaque cahot, chaque nuage de poussière avalé : des communautés qui construisent, dans la discrétion, leur avenir grâce à l’éducation.
Kaboul : la vie derrière des portes closes
Kaboul accueille les visiteurs avec une énergie pleine de contradictions. Les rues sont animées, mais pour les femmes, l’espace public est restreint. Beaucoup restent à l’intérieur ; les fenêtres sont obscurcies, les parcs leur sont fermés.
Pourtant, l’hospitalité y demeure. Autour des déjeuners partagés au bureau de Nai Qala, les collègues échangent des nouvelles, souvent déprimantes, tout en conservant un humour et un optimisme qui défient les gros titres du jour.
Des routes qui relient les villages
Quitter la capitale, c’est se laisser porter par le rythme des montagnes.
Les chauffeurs franchissent des cols rocheux et des lits de rivière, s’arrêtant pour un thé, une tranche de pastèque ou des kebabs, des brochettes traditionnelles de mouton.
Ces trajets révèlent la distance, géographique et sociale, entre la ville et la campagne, mais aussi les liens qui les unissent.
Des leçons au-delà des murs
Dans chaque village reculé, j’ai trouvé la même détermination tranquille.
Parfois la classe n’est qu’une pièce prêtée dans une mosquée, parfois une chambre d’hôtes en briques de terre. Les enfants récitent les chiffres, chantent, apprennent à se brosser les dents. Les mères se rassemblent à l’extérieur.
Ces salles de classe sont bien plus que des lieux d’apprentissage ou de jeux : ce sont des centres de vie communautaire, où s’ouvrent des discussions sur la santé, la coopération et le respect.
Les femmes au cœur du changement
Les enseignantes que j’ai rencontrées, souvent les seules femmes de leur village à exercer un emploi rémunéré, portent une responsabilité exceptionnelle. Elles enseignent les lettres et les nombres, mais incarnent aussi l’indépendance et le leadership pour la prochaine génération. Leur engagement montre que l’éducation des filles profite à toute la famille et à toute la communauté.
L’équipe de soutien de Kaboul
Derrière chaque classe rurale isolée se tient une équipe dévouée à Kaboul. Elle gère la logistique, obtient les autorisations, surveille la sécurité et fait acheminer les fournitures, souvent jusqu’à tard le soir. Grâce à son efficacité discrète, un enfant d’une vallée reculée peut dessiner dans son cahier demain, parce que quelqu’un, dans la capitale, a travaillé sans relâche aujourd’hui.
Générosité dans la simplicité
Dans de nombreuses classes que j’ai visitées, les enfants ont offert ce que leurs familles pouvaient partager : un petit sachet d’abricots secs, une poignée d’amandes. Des communautés ont donné des robes traditionnelles, et les collègues m’ont accueillie, telle une princesse, avec une attention extraordinaire. Leur générosité, offerte malgré des moyens limités, est une leçon durable de dignité et de résilience.
Réflexion personnelle
Voyager en Afghanistan n’est pas du tourisme ; c’est une invitation à être témoin du courage. Je reviens avec la conviction que l’éducation est l’espoir en action. Tant qu’une seule classe reste ouverte, un chemin demeure pour les enfants et leurs familles.
De retour chez moi, je mesure combien ce voyage m’a marquée. Les rires autour d’innombrables tasses de thé me manquent, tout comme la fierté des enseignantes partageant les progrès de leurs élèves et la force tranquille des collègues qui travaillent chaque jour dans des conditions difficiles. Je suis également profondément inspirée par la présidente de Nai Qala, dont l’engagement sans relâche, le courage et la vision continuent de guider l’association, même dans les circonstances les plus difficiles.
Oui, la route est longue et les obstacles nombreux, mais l’esprit de persévérance, de générosité et de foi en l’éducation que j’ai rencontrés reste plus fort que n’importe quelle restriction.